Trois protagonistes. Trois tomes, ici réunis en un seul.
Berceuse assassine est un pari audacieux, parfaitement réussi : raconter la même histoire, sous trois angles différents. Histoire d'un couple qui se déchire, d'un couple dont la vie a basculé un jour comme les autres. Un jour de bonheur qui s'est transformé en cauchemar lorsque leur voiture a percuté une fillette.

Depuis, Martha a perdu ses jambes.
Depuis, Telenko a perdu sa liberté.
Depuis, Dillon a perdu sa fille...
Depuis, tous trois ne vivent que pour une chose : tuer. Voir l'autre mourir, danser sur sa tombe au rythme d'une berceuse assassine...

***
Qui aurait cru que Philippe Tome, le scénariste, plus connu pour être l'auteur de Spirou et du Petit Spirou, réussirait cet exercice de style de nous présenter trois fois la même histoire, sans nous lasser ?

Raconté du point de vue de l'un des protagonistes, chaque tome va un peu plus loin dans le temps et dans l'intrigue. Scénaristiquement parlant, une réussite. Même le troisième tome, « La mémoire de Dillon », qui relève plus de l'exercice de style que d'un réel besoin de l'histoire, nous réserve quelques surprises et conserve l'intérêt et la cohérence de la série.
Mais là où Berceuse Assassine fait très fort, à mon avis, c'est dans le dessin. Usant du noir et brun avec une pointe de jaune comme pour mieux faire ressortir la noirceur de l'atmosphère, Ralph Meyer contribue pour une très large part à la réussite de cette série.

Les couvertures, déjà , annoncent la couleur : le titre de la série, énorme, en noir et blanc légèrement flou : c'est du polard, et du bon ! Si on en doute encore, il n'y a qu'à regarder le dessin qui suit le titre : le détail qui tue (c'est le cas de le dire), une main, un bras, armés, ayant déjà frappé.
C'est ça Berceuse Assassine : impitoyablement noir. Le sépia pour l'atmosphère, avec les « voix-off » en jaune passé et les petits détails en jaune vif, symboles de la « croix » que portent les personnages : le taxi, auquel Telenko a attaché sa vie, le fauteuil roulant de Martha, ou encore la petite poupée de Dillon...

Belle prouesse également que de modifier la représentation des personnages suivant le point de vue du narrateur. Par exemple, dans le premier tome « Le Cœur de Telenko », celui-ci a l'air au bout du rouleau, complètement vidé par sa femme. Dans le second, au contraire, il passe pour un calculateur machiavélique.
Dessins très réalistes, à l'encrage très présent. Beaucoup de noir, seules les deux dernières pages du 3ème volume apportent de la couleur, comme une délivrance, comme pour nous sortir du carcan de folie macabre dans lequel se sont enfermés les protagonistes.

Des protagonistes mort-vivants, en Noir et Blanc, pas foncièrement mauvais, mais réellement désespérés et qui, ayant perdu le sens de leur vie, espèrent qu'en donnant la mort ils en retrouveront le goût.

Une vraie réussite graphique et scénaristique.
Nathayla
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le 16 janv. 2012

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