C'est bien sûr embêtant de vouloir encenser un comic écrit par un mastodonte comme Alan Moore. Mais il faut bien que quelqu'un le fasse de temps en temps :-) J'adore cette série, Top Ten, qui a le bon goût de mixer un scénar de polar ultra- classique avec un contexte bien déjanté à la Marvel. Le sujet est casse-gueule à l'extrême : Top Ten est le nom d'un commissariat de Néopolis, la ville où tout le monde, du maire à l'éboueur en passant par le chauffeur de taxi, tout le monde donc, a des super-pouvoirs. Alan Moore va garder tous les canons de la série policière classique et confronter la banalité de l'action policière aux situations les plus étranges, jouant sur le clash entre deux familiarités, celles que nous avons pour deux médiums bien distincts d'habitude. Et ça déménage.
Ca commence bien sûr par l'arrivée d'une bleusaille, juste sortie de l'Académie, et qui va vivre une première journée de travail en compagnie de collègues aussi impressionnants qu'...ordinaires . Etre policier, c'est un taf, et Moore ne s'éloigne pas (et certains diront pas assez) des aspects clichés et routiniers de cette tâche ingrate: réunion du matin, petits délinquants, trafic de drogue etc..Les habitants de Néopolis ont les mêmes problèmes que tout le monde, ils ont besoin des mêmes services, des mêmes flics que nous. Cette familiarité est assez géniale et on aura compris qu'il y a un décalage entre les dialogues convenus (mais très bien amenés), et les panoplies de nos héros.
L'intrigue suit une enquète principale, sur laquelle se branchent une floppée de micro-événements communs à tout commissariat. Curieusement l'enquète principale est presque la chose la moins intéressante de ce comic, et on lui préférera la description en petites touches de la vie et des émotions de chacun des persos. Le premier tome de cette série bâtit très bien notre intérêt pour les détectives, avant d'étoffer leur univers dans un deuxième tome qui abordera des thèmes beaucoup plus sombres (et parfois mal fichus, comme ... hum... les super-souris... ). Amours, dilemmes, petits échecs et grandes réussites, ce soap opera fonctionne d'autant mieux qu'il est soutenu par des thèmes adultes et urbains. Moore y effectue un détournement intéressant sur la notion du "sideckicks" et il n'hésite pas à parier parfois sur l'émotion brute, un travail risqué mais réussi je crois.
Les dessins de Gene Ha sont très bien et sans emphase, et servent à merveille la complexité et le chatoiement d'une ville de super-héros bariolés. Ils réussissent aussi à passer presque inaperçus, gardant notre concentration fixée sur le scénario de Moore.
Une oeuvre que vous devez absolument découvrir un jour !