Billy Bat par aaapoumbapoum
Les polars sombres du tandem Nagasaki et Urasawa servent toujours de prétexte pour explorer les méandres d’une époque. Après l’Allemagne de la réunification dans Monster et ses questionnements sur l’héritage du mal, le portrait de la génération des enfants de l’«exposition universelle de 1970» dans XXth Century boy, voici que Billy Bat questionne l’explosion commerciale du manga et son influence sur les mentalités dans le Japon d’après-guerre, sous tutelle américaine, en reconstruction. Une période primordiale puisque que c’est durant ces six années que les décisions gouvernementales les plus importantes de la seconde moitié du vingtième siècle sont prises, à savoir l’abandon de toute force armée et de l’indépendance énergétique au profit du nucléaire américain.
Évidemment les amateurs d’Urasawa et Nagasaki, comme ceux d’Hitchcock à l’époque, se lassent parfois d’une nouvelle enquête tortueuse dont le caractère artificiel transparaît souvent. Mais c’est la marque de ce genre de génie populaire que de recourir inlassablement aux mêmes ficelles pour décliner leurs angoisses et leurs obsessions. Chez ce tandem, la relation entre art et civilisation, l’existence d’un mal masqué et sans nom, et la crainte des totalitarismes, reviennent hanter ce polar dans lequel un américain d’origine japonaise, auteur à succès d’une bande dessinée titrée « Billy Bat », se retrouve aspiré au cœur des enjeux d’une secte millénariste dont l’influence remonte aux origines de notre civilisation.
Comme le célèbre Ayako de Osamu Tezuka qui traite de la même époque, Billy Bat détaille le fonctionnement d’un gouvernement corrompu, sans réel pouvoir, et ses scandales politiques. Et si au troisième volume, après deux flashbacks sur la Galilée du Christ et le Japon féodal, les motifs de cette complexe intrigue prévue sur neuf restent difficiles à cerner, nul ne doute que les auteurs ambitionnent une œuvre de fiction à forte résonance.
S; Bapoum pour les Inrockuptibles