Un polar qui ne bat pas de l'aile !
Naoki Urasawa et son acolyte, Takashi Nagasaki, tentent une mise en abîme exquise d'une double narration pour ce Billy Bat. Devenus les maîtres du thriller japonais, notamment avec l'excellent Monster et le sublissime 20th Century Boys (ooooui, je suis objectif, non mais oh !), les deux mangakas nous racontent l'histoire du dessinateur Kevin Yamagata, un Japonais de parents immigrés aux Etats-Unis. Situé dans les sombres mais inspirantes années cinquante, ce polar maltraite son protagoniste dans des complications et une malchance qui l'amènent à rencontrer tout un tas de personnages hétéroclites et énigmatiques. Kevin est l'auteur à succès du très apprécié Billy Bat, un comics où l'on retrouve la transposition particulièrement clichée du détective malchanceux et désabusé sous les traits d'une chauve-souris aux allures étonnamment proches de la mythique souris de Disney. Si le récit débute sur une affaire banale qui tourne rapidement au vinaigre pour le mammifère nocturne, le lecteur est rapidement replacer dans la réalité. Le dessinateur découvre peu de temps après que sa création serait un plagiat d'une bande dessinée japonaise. Le doute s'installe alors sur une inspiration dont il avoue ne plus avoir souvenir. Il retourne au Japon mener son enquête. D'inspiration, on tombe dans une conspiration, un mécanisme aux rouages si gros que Kevin semble en dépendre entièrement.
La force d'Urasawa et de Nagasaki est de lancer le lecteur dans une situation plutôt classique qui se corse très très rapidement. Les choses se bousculent, l'incompréhension guette et les surprises se superposent avec grand plaisir. Sous le trait d'Urasawa, on retrouve cette grande maitrise de la diversité morphologique, comme si l'auteur avait l'antidote de ce défaut inhérent à la bande dessinée japonaise qui clone ses intervenants en changeant, parfois, ne serait-ce qu'une coiffure. Ce genre de confusion est donc absent de Billy Bat comme des autres œuvres du mangaka. L'histoire entraînante et bien construite permettra, même si à l'écriture de ces lignes peu de volumes ont déjà été traduits en français, de découvrir une histoire qui se veut particulièrement maitrisée et diversifiée. En se projetant dans plusieurs époques clés de l'histoire humaine, la symbolique de la chauve-souris, que l'on finira certainement par comprendre, s'insère avec une pertinence incroyable. Rien que les dernières images du premier volume donnent une dimension pharaonique au symbole. Le pourquoi du comment hante tout autant le lecteur que le héros. Urasawa et Nagasaki ont l'ambition modeste de justifier la plupart des grands mystères de notre monde : beau programme n'est-ce pas ?
Notons qu'on ne peut qu'apprécier cette décision d'Urasawa de ne travailler que sur un seul projet à la fois. Cela se veut à contre-courant de l'usine à gaz que représente la bande dessinée au Japon.
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