Ah que de souvenirs de jeunesse, ces feuilletons mangas du soir sur Direct Star (à l'époque, devenu C Star, "la 17" pour les intimes) dont de nombreux ados ne rataient pas un épisode, et quand c'était l'heure de Black Butler, on faisait carrément partie de ceux qui piquaient une crise si quelqu'un passait devant l'écran (la crise d'ado en version cinéphile). Plusieurs années après, on replonge alors dans cet univers qui nous avait tant manqué en feuilletant les pages du manga, et force est de constater que l'immersion est intégrale et instantanée : on dévore le premier tome comme des affamés. Ce graphisme d'une finesse sans nom, ce binôme de personnages en "je-t'aime-moi-non-plus" qui est très attachant, le twist fantastique qui ne nous est pas caché mais au contraire annoncé dès le départ (le majordome qui est le Diable) pour donner le ton, une maturité choisie (attention au jeune public) et des intrigues qui durent environ deux ou trois tomes pour prendre le temps d'approfondir son sujet, tout en Black Butler destine sa dessinatrice Yana Toboso à faire partie des grandes créatrices. Ce premier tome est donc assez "light" volontairement sur son intrigue, se concentrant plutôt à nous faire comprendre les enjeux des personnages, car c'est bien la particularité de ce début : il est "in medias res" ("ça démarre au milieu des événements"), à vous de suivre, de piger les bribes du pacte diabolique que certains dessins astucieux vous laissent entrevoir (telle une petite lucarne d'où l'on regarde un grand espace interdit), à vous de retenir les aides ménagères qui ne se présentent pas (mais à voir leur personnalité solaire et hilarante, on retient immédiatement chacun de ces trois zouaves, plus Monsieur Tanaka alias "le petit monsieur qui boit du thé en arrière-plan", un gimmick qu'on adore) et à vous de suivre cette intrigue d'enlèvement du Comte par des narco-trafiquants. Un vaste programme, mais on sent à chaque instant que l'auteure croit en nous, en notre capacité à tenir chaque rêne pour arriver au bout du tome absolument ravi d'avoir été pris pour un lecteur intelligent. Un aspect pratique en bonus : la découpe systématique du livre en quatre parties ("In the morning", "At noon", "In the afternoon" et "At night") permet de stopper la lecture à peu près n'importe quand sans avoir besoin de marque-page. Enfin, si vous arrivez à vous arrêter de lire ce premier tome diaboliquement délicieux !