Blacksad fait partie de ce cercle très fermé de séries à succès qui ne se transforment pas en usine à fric. Avec une moyenne d’un tome tous les 3 ans, nous sommes aux antipodes d’un Lanfeust de Troy et ses 8 tomes en 6 ans. Gage de qualité, le 5ème tome, Amarillo, est néanmoins moins abouti, tant au niveau des dessins que du scénario. C’est malheureusement le risque lorsque l’on frise la perfection dès le premier tome, on va forcément finir par décevoir.
John Blacksad, un détective privé solitaire et taciturne, n’a pas son pareil pour résoudre une affaire dans une Amérique des années 50, où les animaux anthropomorphes remplacent les humains. Quelques personnages secondaires gravitent autour de John, dont la fouine Weekly, mais la BD se concentre sur l’évolution de l’affaire dont John est en charge. Si on met de côté le dernier tome qui est marqué par des couleurs vives, l’ambiance sombre du polar noir sert de fil conducteur entre les différents affaires, correspondant chacune à un tome.
Le dessinateur Juanjo Guarnido, après être passé par la case Disney, est aussi un génie de la couleur. Maîtrisant l’aquarelle comme personne, la minutie du dessin et l’encrage donnent à Blacksad une ambiance unique. Un autre point important est le cadrage et le découpage, dignes des plus grands réalisateurs du cinéma. Le scénariste, Juan Díaz Canales, contribue pour beaucoup à la réussite de la BD de par sa capacité à livrer une histoire complète et percutante tenant sur une cinquantaine de pages. Au passage, je vous conseille de lire Fraternity, une histoire sombre en deux tomes, dessinée par un autre espagnol, José Luis Munuera.
Ce qui marque dans Blacksad, c’est sa portée cinématographique. Pour Guarnido,
« la BD et le cinéma sont des arts qui sont frères » et les années passées à Disney à travailler sur des dessins animés a sans doute permis à ce talentueux duo de faire voler éclat la maigre frontière qui sépare ces deux arts.