Blame! incompréhensible ? Peut-être. Hermétique ? Pas nécessairement.
Tout d'abord, il faut savoir que la traduction française est plutôt mal faite, entre approximation et contre sens. Ce qui n'aide vraiment pas la lecture, chaque dialogue étant si rare que le lecteur doit pouvoir en tirer toutes les informations possibles.
Pourtant, toute la trame se déroule sous les yeux du lecteur attentif et curieux.
[Je déteste les critiques qui racontent l'histoire (que généralement tout le monde connait), mais dans le cas de Blame!, il me parait nécessaire de le faire. Ceux qui ne veulent pas lire l'histoire peuvent sauter tout l'aparté.
Le monde de Blame! est un énorme complexe architectural, construit par les " bâtisseurs ", des machines rendues folles suite à un bug, qui construisent et détruisent de façon anarchique, donnant à l'environnement l'aspect d'un labyrinthe. A travers divers dialogues, on peut imaginer que l'univers de Blame! a atteint les proportions du système solaire, Killy se baladant par exemple dans la périphérie de Mars. Ce qui explique que les personnages peuvent parfois prendre un ascenseur pendant plusieurs années de suite...
Dans ce monde, deux groupes s'opposent : les Sauvegardes, dirigées par le Bureau Gouvernement et chargées de l'ordre, à la recherche de gènes humains non modifiés afin de créer un Eden artificiel (Résosphère) ; en face, les Silicates, mutants issus des sauvegardes, qui vivent et se nourrissent du chaos.
Au milieu, des groupes d'humains, réduits au nomadisme et complètement démunis en face des deux groupes. On peut noter deux sortes d'humains : ceux possédant un ADN " pur ", correspondant à l'ADN humain d'avant la catastrophe et le reste, ayant un ADN génétiquement modifié. Si les premiers sont les pièces maîtresses du combat entre les silicates et les sauvegardes, les seconds ne sont que de la chair à pâtée, cibles des deux groupes.
L'histoire suit Killy, un androïde (une Sauvegarde dans le jargon de la série) qui a perdu la mémoire et qui du coup, se met à protéger les humains génétiquement modifiés au lieu de les détruire. Ce point est important et explique la confusion de nombreux lecteurs. Parfois, Killy est aidé par les sauvegardes, puis les affronte, sans que le lecteur comprenne vraiment pourquoi. Sil est initialement chargé de retrouver les humains porteurs de gènes purs pour les apporter au Bureau Gouvernemental, sa quête change en cours de route avec l'intervention de Shibo.]
Blame!, par sa narration, comporte de nombreux éléments qui peuvent perturber le lecteur :
- Les personnages, contrairement à la majorité des bandes dessinées d'aventure actuelles, savent déjà comment fonctionne le monde dans lequel ils évoluent. Du coup, il y a très peu de passages où un personnage pose des questions sur l'environnement. Killy est de plus un personnage extrêmement taciturne et il faut attendre l'arrivée de Shibo pour que les personnages commencent à causer. Pour l'anecdote, le tome 1 comporte 10 pages contenant des dialogues, sur 240.
- Le fil de l'histoire est complexe. Les personnages voyagent dans le passé, dans une réalité alternative et parcourent des distances auxquelles nous ne sommes pas habitués.
- Le rôle de chaque protagoniste est plutôt flou pour le lecteur distrait. Comme dit plus haut, les actions des Sauvegardes, parfois ennemies, parfois alliées, sont logiques pour peu que l'on suive le cours de l'histoire.
Blame! est à plusieurs titres un manga très intéressant, par son univers original et son graphisme. Malheureusement, à cause de l'aridité de sa narration, il parait parfois assez masturbatoire. Autre problème, Nihei peine à s'en détacher dans ses œuvres postérieures, dont l'univers et les histoires s'approchent souvent des thèmes développés dans Blame!.