C'est avec beaucoup d'amertume que j'écris cette critique. Beaucoup d'amertume car Bleach a longtemps été, aux jeunes et candides heures de ma vie où je ne lisais que peu de mangas, mon oeuvre préférée du genre; beaucoup d'amertume car cette série jouit d'une grande richesse au niveau des personnages, par ailleurs vraiment stylés; beaucoup d'amertume car l'histoire, bien qu'obéissant aux codes du shonen, était originale, la trame bien ficelée, les twists cohérents, en plus d'être incroyablement bien dessinée [kubo reste pour moi l'un des meilleurs mangakas en terme de coup de crayon]; beaucoup d'amertume car le gargantuesque potentiel qu'avait Bleach a été piétiné, anéanti, annihilé par des éditeurs japonais cupides et sombrement imbéciles ainsi qu'une communauté nocive.
Il ne reste, au moment où j'écris, qu'un seul chapitre au manga, qui doit conclure l'arc final des quincy.
L'arc avait grandement commencé, l'invasion de la soul society, les combats dantesques à l'image de Yamamoto, une intrigue cohérente, Bleach aurait pu avoir un final en apothéose.
Et que s'est-il passé ?
J'aimerait expliciter les choses telles qu'elles sont et ôter à Kubo une partie des nombreux torts qui lui sont faits.
De nombreux "fans" -notez la présence des guillemets- ont reproché à l'auteur d'avoir totalement ruiné sa série, l'ont blâmé comme si tout avait été de sa faute.
Oui Kubo dessine et écrit chaque chapitre, mais il faut garder à l'esprit que derrière lui se trouve une équipe entière; assistants, éditeurs, responsables, qui ont une influence majeure sur la série, le rythme et le déroulement. Cela est vrai pour tout auteur de shonen publié. Les éditeurs sont responsables de la longueur inégale des précédents arcs.
L'arc arrancar trop long du fait le la popularité des arrancars, l'arc fullbring trop court du fait de l'impopularité de ces derniers; et il est manifeste que de drastiques changements ont été apportés; de la survie de byakuya à un tiers des combats ellipsés sans raisons. Pourquoi ?
Parce que, pour shonen jump, le profit prévaut sur le reste, et au titre du profit, ils altèrent la série de sorte à ce qu'elle soit le plus rentable possible. Dans le cas de bleach, il est évident que le magazine en a eu assez de publier le manga, alors en dépit du fait que Kubo avait le squelette d'au moins 30 à 50 chapitres supplémentaires nécessaires en terme de résolution, ils l'ont manifestement forcé à finir dans la précipitation, à quasiment avorter son scénario, au lieu de le laisser faire comme il l'entendait.
Sont ils a blâmer pour tout ?
Je ne pense pas. Beaucoup de choses dépendaient aussi des choix de kubo, mais Shonen jump a grandement influencé le tout.
Et c'est de la faute des "fans" don't j'ai parlé plus haut. Car si les éditeurs ont influencé le déroulement et les événements de Bleach, c'est à cause d'une communauté éternellement insatisfaite.
Le dernier combat avec Aizen n'a pas plu ? Fuck Bleach. Ulquiorra meurt ? Fuck Bleach. Byakuya aux portes de la mort ? Fuck Bleach. Pas intéressés par les Fullbringer car ce ne sont pas les arrancars? Fuck Bleach. Pas intéressés par les Quincy car ce ne sont pas les arrancars ? Fuck Bleach. Pas assez de fan service les 10 derniers chapitres ? Fuck Bleach.
C'est à cause des exigences et de la pression constante de ces prétendus fans que Kubo a du changer ce qu'il avait prévu. [Il a même reçu des menaces de mort suite à la quasi-mort de byakuya...].
Les fans restent-ils pleinement fautifs pour autant ? Je pense qu'il faut encore nuancer.
Je dirais qu'il y a deux types de manga, et de fictions plus largement.
1 : Une histoire écrite pour correspondre à l'attente des fans, vendre et être rentable (cela n'empêchant en rien une oeuvre ainsi faite d'être de qualité)
2 : Une histoire née de la volonté d'écrire de l'auteur; pour satisfaire ses propres envies, une histoire qui serait sa forme d'expression, une occasion exposer un ou plusieurs thèmes sous-jacents qui lui tiennent à cœur. La communauté de fans sera souvent plus petite et critique, mais plus fidèle.
L'erreur de Kubo a été d'échouer à établir durablement une de ces deux dynamiques.
Les gens se désintéressent de Bleach, le #1 n'est pas accompli.
Et pourtant il a aussi échoué dans l'accomplissement du #2 étant donné qu'il continue de modifier son manga pour plaire aux fans, même si cela reste grandement du aux éditeurs.
Que demeure-t-il de Bleach alors ?
Un manga qui a perdu son identité, qui a dévié des thèmes et des chemins qu'il empruntait auparavant et qui par conséquent n'a pas su satisfaire la toxique communauté. L'auteur lui même a avoué en avoir assez de la série.
Et je trouve cela dommage, dommage à un point tel que j'en ai le tournis. Un shonen mythique et palpitant qui s'est engouffré et a sombré dans une spirale vicieuse. Une de mes plus grosses déceptions.
Que retiens-je alors de Bleach ?
Bleach est avant tout, pour moi, toutes les heures où j'ai saigné mes tomes, émerveillé devant les combats épiques et les personnages ultra charismatiques, c'est tout le plaisir que m'aura apporté la série, tout l'univers que Kubo a construit et que je me suis approprié. Et malgré cette fin, ce manga a et aura toujours une place à part dans mon cœur.
Bleach est un colossal gâchis, mais aussi un légendaire et jouissif manga qui a, à tout jamais marqué la bande-dessinée japonaise.