Voyons. je suis de mauvaise foi, et ces détails, même si ils sont... troublants, ne représentent pas à eux seuls l'oeuvre.
Certains livres, films, nous perdent, définitivement, car trop éloignés du réel, du classique, du connu. D'autres s'y égarent parfois, mais restent ancrés malgré tout dans la réalité, de façon à ce que le spectateur oscille constamment entre connu et inconnu, devant souvent faire l'effort de se détacher -puis revenir- dans le réel, et c'est le cas de Bonne nuit Punpun.
Bonne nuit Punpun, c'est avant tout un personnage principal qui en a prit plein la gueule. Sa mère (bon sang, qu'est ce que je l'ai détestée) est un personnage... instable, méprisable, qui, malgré un dernier "coup d'éclat" reste quand même une personne à qui on pense en ces termes : "bon sang, heureusement que ma mère n'est pas comme ça". Car certains personnages, même mauvais, peuvent être profondément attachants. Cependant, et peut être quelque chose résonne au fond de moi, j'ai rarement autant détesté un personnage dans une oeuvre. Un père admiré, qui au final, se révèle lui aussi immature, et fuyant. Un oncle... assez paradoxal, mais attachant.
Forcément, avec un vécu pareil, le petit Punpun n'a pas les meilleurs bagages pour partir dans la vie...
Profondément marqué par un amour de jeunesse, celui ci déterminera une partie de sa vie, n'arrivant pas à en faire le deuil. Punpun est un personnage qui régresse, chancelle, et n'a rien d'une ascension de personnage de manga "classique". Il avance et recule, peut paraitre méprisable pour sa lacheté, son inaction, ses pensées obscènes, son incapacité d'avancer... cela peut etre pesant quand il s'agit d'un personnage secondaire. Mais quand il s'agit du personnage principal, c'est tout le récit qui le devient.
Punpun nous perd, parfois, souvent, par le changement -comme un passage de relais dans une course- d'un personnage à l'autre : parfois, des personnages carrément secondaires se verront développés durant un long moment, ce qui, il faut l'avouer, est souvent inconfortable pour le lecteur.
De nombreux thèmes sont traités, parfois, avec une violence insoutenable : viol, meurtre. Cela arrive brutalement, et laisse rarement indemne.
Une question arrive souvent : pourquoi représenter le héros ainsi ? Punpun, de petit poussin, se métamorphose parfois en triangle, en diable... avec vêtements, ou non. Et ne parle jamais directement. Du coup, ses expressions, et ressentis, sont difficilement identifiables. Pour beaucoup, cela facilite l'immersion dans le personnage. Je pense personnellement que cela permet au contraire, plutot qu'une identification, une interprétation plus grande. En prêtant les sentiments qu'on veut à Punpun, celui ci nous parait lointain et proche en même temps. Et il faut l'avouer, je pense que certains passages, concernant divers personnages, nous ont tous parlé. Il y a parfois une critique de la société japonaise (assez grossière, avec des personnages caricaturaux, il faut l'avouer) cependant, certaines réflexions, profondes, sur l'incommunicabilité, les obsessions, les peurs, l'impossibilité d'avancer dans la vie... m'ont parlé (et parleront au plus grand nombre).
Punpun est tout sauf un manga confortable, qui ménage ses lecteurs. Peut être est il si dérangeant parce qu'il résonne avec notre part d'inavouable. Certains personnages, bien trop caricaturaux (le gourou de la secte, complètement barré, ou le pote de punpun qui prend toujours des poses improbables et énervantes) permettent de contraster avec des personnages bien plus rationnels, froids, rendant l'identification bien plus facile (je pense par exemple au cas de Seki, attachant en diable)
J'allais oublier de parler de l'aspect graphique : plus que correct, mais perdant parfois le lecteur, soit par des dessins dignes d'un enfant, soit par des incrustations sur des photos, avec un rendu magnifique. Que ce soit par son propos, ou son graphisme, l'auteur est décidément prêt à tout pour nous faire perdre nos repères.
C'est une curiosité, qui, malgré sa note élevée sur SC, ne peut pas plaire à tout le monde : et c'est parfaitement compréhensible, tant elle joue sur des choses inavouables et peu reluisantes.
Beaucoup d'oeuvres, au final, simplifient la réalité, ou lui prêtent une apparence d'idéal : les problèmes ont des solutions, les personnages sont parfois complexes, mais raisonnés et rationnels, une certaine logique domine. Ici, on à affaire au vrai, à la complexité des gens, aux paradoxes, à quelque chose de profondément dérangeant, et rarement traité : le réel.