Broderies
7.5
Broderies

BD (divers) de Marjane Satrapi (2003)

Voilà une BD atypique sur le fond et la forme. Le fond d'abord, peu commun, puisqu'il est question de la réalité de la condition féminine en Iran, d'où est originaire et où a vécu Marjane Satrapi (lire sur ce point Persepolis, son œuvre majeure). Mais c'était aussi un défi sur le plan de la forme car narrer en bandes dessinées la discussion devant un thé d'un groupe de femmes au sujet de leurs expériences sexuelles et maritales pouvait paraître assez risqué. Le pari est toutefois gagné, Marjane Satrapi s'en sortant très bien, variant l'organisation des pages, parvenant à bien illustrer et rythmer les différents récits ce qui donne à l'ensemble un rendu somme toute assez fluide.

On se trouve donc en présence d'un groupe de femmes iraniennes qui prennent leur thé pendant que leurs maris font la sieste. « Libérées » si j'ose dire, elles conversent sur leurs déboires avec les hommes, les unes après les autres. Présenté de cette manière, ça peut paraître un peu artificiel ou peu réaliste, donnant l'impression d'un grand déballage entre toutes ces femmes qui se connaissent déjà. Mais oublions cet aspect, là n'est pas l'essentiel.

Ce qui importe à Marjane Satrapi, c'est de décrire la société iranienne, où hommes et femmes ont des places et des rôles nettement différenciés (après le déjeuner, les hommes font la sieste tandis que femmes débarrassent, font la vaisselle et prennent le thé). Où les parents choisissent encore souvent les maris/épouses de leurs enfants. Où les femmes doivent encore rester vierges avant le mariage. Où les hommes tiennent absolument à cette virginité, et où l'infamie plane sur celles qui l'ont perdu trop tôt.

Et en même temps, le propos de Marjane Satrapi n'est pas dénué d'espoir, la société iranienne est sur certains aspects plus ouverte et moderne que celle des pays voisins : il y a une vraie fascination pour l'Occident, les divorces sont de plus en plus nombreux, certaines femmes iraniennes (celles de cet album, qui ne sont toutefois probablement pas complètement représentatives de l'ensemble des femmes de ce pays) utilisent une grande liberté de ton pour parler de la sexualité, de leur maris et de leurs expériences souvent douloureuses.

En tout cas dans cet album, mais avec beaucoup de légèreté, les hommes en prennent pour leur grade ! Et il est très plaisant et intéressant de voir ces femmes raconter leurs hommes, leurs malheurs, souvent, et en même temps, leurs ressources, souvent avec beaucoup d'humour. J'ai par exemple beaucoup aimé les pages qui comparent la situation de la femme mariée à celle de la maîtresse, l'épouse devant s'occuper des taches ménagères, accepter les caprices du mari, leur mauvaise humeur, tandis que la maîtresse n'a que les avantages : un homme qui fait des efforts, et qui est propre, de bonne humeur et la complimente.

Le titre de la bd est polysémique, je vous laisse en découvrir la signification, qui est un peu glauque mais montre en même temps la capacité de résistance des femmes.

En tout cas, on a là une belle dénonciation de la société patriarcale et du rêve de virginité des hommes pour leur femme et en même temps une apologie de la liberté sexuelle des femmes qui nous laisse pas mal d'espoir bien que le régime iranien n'ait pas forcément évolué dans le bon sens depuis 2003, date de la parution de cette BD.
socrate
7
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le 7 janv. 2012

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socrate

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