Bilal fait du Bilal

Il est parfois triste de voir comment vieillissent les auteurs de bande dessinée (lire à ce sujet Désoeuvré de Lewis Trondheim). Enki Bilal, comme De Gieter, est assez tragique de ce point de vue. Plus le temps passe, plus il est difficile de distinguer ses personnages, qui ont tous la même tête : pour les hommes, ce nez aquilin avec un regard fixe, perdu. Pour les femmes, cette beauté éthérée à la Mila Jovovic. C'en est presque comique.

Le présupposé de cette série n'est en soi pas désagréable : Internet disparaît d'un coup, et toutes les connaissances du monde se trouvent dans la tête d'un astronaute de retour de Mars, que du coup de nombreux groupes étatiques/mafieux/affairistes se disputent. Et d'ailleurs, le monsieur a une fille, qui est bien sûr enlevée.

Le charme de cette série, bizarrement, se situe plutôt dans son écriture, puisque Bilal montre sa projection de notre monde actuel dans un futur proche. Il y a une femme noire à la tête de la France. Andrew Warxoe est une vision d'un Elon Musk qui n'aurait pas vrillé. Bilal prend beaucoup de plaisir à imaginer les différents dysfonctionnements d'un monde privé d'internet. Enfin, c'est bizarre : les mails marchent, mais tout ce qui était stocké avant est perdu. La télévision revient à l'analogique. Bref, on ne comprend pas bien. Et il y a ces bizarreries faites pour être incongrues : la tache bleue qui progresse sur la peau du héros, Kameron Obb. Mais on est un peu habitué à ce genre de trucs avec Bilal et on sait que l'oeuvre ne nous donnera jamais la clé, que c'est juste pour "créer un malaise".

Bref, Bug n'est pas désagréable (encore que le lettrage tout petit et mécanique est vraiment moche et mal intégré dans les bulles), mais ce n'est pas une révolution et cela n'apporte vraiment rien à l'oeuvre de Bilal. Tu rabâches, mec. Bon, tu t'amuses. C'est l'essentiel.