On dirait qu’une fois que les gens ont grandi, ils ne savent plus ce qui est cool.
Et bien voilà que je me mets à critiquer de la BD, mais où va le monde, il faut dire que si j'ai évité le sujet c'est que mes connaissances en la matière sont proches du néant. Totalement inculte, mes meilleurs souvenirs remontent à l'enfance et à l'adolescence, j'ai grandi avec les célèbres Tintin ( que j'adule ) Astérix, Spirou, Lucky Luke, Gaston Lagaffe, ou encore Cubitus et Boule et Bill. Et depuis, quelques découvertes par ci par là les lacunes s'accumulent, quoi qu'il en soit, il fallait quand même que je sorte mon plus beau clavier ( le même que d'habitude en fait ) pour parler de ce duo légendaire.
Calvin, avide de richesse, petit génie à l’imagination vertigineuse, capable de recréer des univers entiers de la science fiction ou du film noir pour échapper au quotidien de l'école et Hobbes son tigre en peluche anthropomorphisé à ses heures perdues, sorte de conscience plus posée et réfléchie qui aspire à une vie plus sereine.
Comment imaginer avant de me plonger dans la lecture de l'oeuvre de Watterson et ses allures enfantines ce qui m'attendait. Il y a tellement de degrés de lecture en une seule page, une telle richesse dissimulée sous un gag en une simple petite case qu'il m'arrive parfois de lire plusieurs fois l'ensemble pour y réfléchir à tête reposée. Dois-je rire ou pleurer devant l'infinie solitude d'un enfant misanthrope qui se pose des questions existentielles sur la vie, la mort ou la religion et qui n'obtiendra comme seule réponse celle d'une peluche très prolixe lorsqu'ils sont seuls, puis inanimée dès que l'un de ses parents ou un camarade de classe posera le regard sur lui.
Comment ne pas être séduit par les innombrables discussions surréalistes entre nos deux héros dévalant une pente, en chariot ou luge selon les saisons et prêt à refaire le monde, dans laquelle deux visions se confrontent, le côté naïf représenté par Calvin et celle plus sarcastique d'un Hobbes expérimenté, le tout se terminant généralement par une chute vertigineuse, symbole du thème abordé.
Comment rester indifférent face aux sondages récurrents de Calvin " réalisés " auprès des enfants de 6 ans, qui servent à exprimer son ressenti vis à vis de son père que ce soit fantaisiste ou sincère et qui peuvent se traduire aussi bien comme une critique de la classe politique que de l'existence même du sondage.
Comment ne pas souhaiter participer à ses fameuses batailles de boules de neige et ses règles démentes ?
Comment ne pas anticiper comme Calvin la façon dont Hobbes va lui sauter dessus en revenant des cours ?
Comment ne pas succomber lorsque Calvin s'offusque de l'absence de chaussettes de Noël pour son compère qui risque de ne pas recevoir de cadeaux ?
Calvin et Hobbes, c'est une fable poétique et mélancolique inoubliable, une ode à l’émerveillement tantôt hilarante, tantôt attendrissante à l'image de son petit garçon aux multiples facettes, doux rêveur mais si lucide sur le monde qui l'entoure. Watterson arrive aussi bien à révéler l’âme de l'enfant perdue en chacun de nous piégée dans une vie quotidienne sans surprise dans laquelle la doctrine, métro, dodo, boulot s'illustre, sans pour autant renier une réflexion pertinente sur les thèmes forts de la vie ainsi que la vacuité de l’ensemble parfois ressentie. En se servant de son petit bonhomme philosophe et de son tigre cynique, il y glisse une critique sociale brillante de justesse, jamais grossière ou acerbe gratuitement, son coup de crayon aux illustrations faussement minimalistes permet aux plus jeunes de rêver de posséder cette peluche magique et aux plus âgés... de vouloir la même chose en réalité, mais également d'y saisir la subtilité omniprésente. Watterson a écrit un jour à travers son héros que la vie serait plus intéressante avec un générique et des rires enregistrés, ce qui est certain, c'est qu'elle l'est nettement plus lorsque j'ai un de ses bouquins entre les mains, merci Bill.
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