Cet album est assez difficile d'accès, et joue sur les codes du comics. Je vais me risquer à une tentative d'interprétation. Matthew Allison est un auteur qui a visiblement peiné à se lancer réellement dans l'univers de la BD : il n'aurait pratiquement que croqué des éléments disparates, sans jamais réussir à les terminer...et Cankor est le résultat de ces années d'errance.
Il s'agit d'une sorte d'autobiographie psychédélique qui croise la naissance de son personnage et celle de sa vie, parfois ratée et faite de désillusions, d'échecs, qui parleront particulièrement à ceux qui ne parviennent jamais à mener un projet à bien. Cankor est un sauveur de rien, qui cherche son chemin dans un monde vide et étrange qui rappelle les arrière-plans des tableaux de Dali.
Le début de la BD casse les codes de la fiction et laisse à penser que le Cankor que nous allons suivre n'est qu'une énième version que son auteur essaye de faire émerger (on trouve plein de sosies et de cadavres d'ersatz, donnant un côté "die and retry" à la course du personnage). C'est graphiquement très bien réalisé, avec des multiplicités de styles, des références à d'autres comics, et l'album est dans l'ensemble assez drôle.
Pour faire très bref, il semblerait que cette quête difficile et contrainte du personnage de Cankor n'est pas réellement une aventure au sens classique du terme : on sent que le but de ce qu'il doit traverser est tout simplement d'exister. Ce cheminement qui le mènerait vers l'existence semble être l'allégorie (parfois représentée) du difficile travail de son créateur.
L'ensemble, surréaliste contient selon moi deux écueils : une confusion clairement souhaitée par l'auteur, mais une difficulté à rentrer à 100% dans ses délires... on a parfois l'impression qu'il faudrait le connaître au préalable (presque personnellement) pour en apprécier le contenu, proche de la private joke. Et c'est peut-être ce point qui empêche la BD de convaincre pleinement, et ce qui sépare la bonne idée du génie.