"Les Beaux étés", c’est l’histoire toute simple de Pierre, Mado et leurs quatre enfants, qui partent en vacances vers le sud de la France dans leur Renault 4L durant l’été 1973, l’année où "La maladie d’amour" était numéro 1 sur toutes les radios. Mais avant de pouvoir mettre le cap au Sud, toute la famille est obligée d’attendre que le père, qui est dessinateur de BD, ait fini l’épisode de "Papa Clown" que son éditeur attend avec une impatience de plus en plus insistante. Après trois jours, Pierre a enfin fini ces maudites planches: il jette ses pantoufles, s’exclame "Julie-jolie, réveille ta petite soeur! Nicole, va prévenir ta mère! On part!" et toute la famille s’entasse dans la 4L pour partir à l’aventure. Commence alors le dialogue rituel entre Pierre et ses enfants: "Où va-t-on? A Oslo? A Berlin? Stockholm? Moscou Reykjavik?" "Non! Non et non! Du soleil! On veut du soleil!" "Soit! Cap au Sud, alors!" Sur le chemin vers le camping, tous chantent du Joe Dassin à tue-tête. Comme chaque année, ils s’arrêtent à la même étape pique-nique, un joli petit endroit près de l’eau, qu’ils parviennent à récupérer en chassant subtilement des Hollandais qui leur avaient piqué "leur" coin… Bref, en apparence, tout va bien pour Pierre et Mado, qui s’apprêtent à vivre un mois de belles vacances d’été. Mais comme chacun le sait, la vie est faite de joies et de peines. On comprend donc vite que tout n’est pas si rose: même s’ils le cachent aux enfants, leur couple traverse une crise, tandis que le frère de Pierre, à qui il téléphone régulièrement sur la route, est sur le point de perdre sa femme atteinte d’un cancer. Et puis ce n’est pas de tout repos d’élever quatre enfants: les deux soeurs aînées se disputent tout le temps, alors que leur frère Louis est obsédé par Tchouki, son ami imaginaire. Exténuée par toutes ces tensions, Mado finit par craquer… Leurs vacances tant attendues vont-elles s’achever avant même d’avoir vraiment commencé?
Zidrou et Jordi Lafebre le disent eux-mêmes: leur objectif était de faire une BD positive, avec des beaux sentiments. Alors que leurs deux premières collaborations ("Lydie" et "La Mondaine") étaient dans un registre beaucoup plus sombre, le scénariste belge et le dessinateur espagnol voulaient évoluer vers quelque chose de plus léger et plus lumineux. On peut dire que leur pari est réussi, puisque "Les Beaux étés" est un vrai "feel good comic", à l’image des "feel good movies" au cinéma. On se sent bien à la lecture de cette BD. Pourquoi? Avant tout parce qu’on parvient sans peine à s’identifier aux personnages, dont on partage les joies et les peines, entassés dans leur valeureuse 4L. "Les Beaux étés" parlera surtout à ceux qui ont connu les départs en vacances dans les années 70. Ceux qui retrouveront avec nostalgie l’époque où il n’y avait ni tablettes ni smartphones dans les voitures, et où il fallait tuer le temps en essayant de repérer les voitures jaunes, en faisant signe aux autres automobilstes ou en reprenant à tue-tête les chansons qui passaient à la radio. Cette époque où on prenait son temps pour descendre vers le sud, en optant pour les nationales plutôt que les autoroutes, afin de pouvoir s’arrêter au bord de la route dès qu’on repérait un beau coin. C’est clair: il y a de la nostalgie dans ces "Beaux étés", qui rappelleront à beaucoup leurs vacances d’antan. Mais il y a aussi et surtout beaucoup de joie. Bravo à Zidrou et Lafebre pour cette tranche de vie douce-amère, pleine de sensibilité et de vérité.
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