Fond & Forme ?

Carbone & Silicium (2020) est une oeuvre massive et ambitieuse de Mathieu Bablet (dont je n'ai pas lu le précédent ouvrage, Shangri-la, 2016), qui raconte les pérégrinations de deux intelligences artificielles au cours de plus de deux siècles et demi. Il y est question évidemment du futur de l'humanité et de la place de ces machines conscientes dans un monde de plus en plus déliquescent.

Ce qui frappe tout de suite, ce sont les dessins. Bablet a un sacré coup de crayon, un sens de la couverture indéniable et un style original. C'est beau, et, surtout, surtout, surtout, admirablement coloré. Ce travail des couleurs (de Bablet lui-même) donne à la lumière une vraie présence, presque tactile, et donne au dessin des ambiances incroyables et souvent mélancoliques.

Carbone & Silicium est une BD éminemment contemplative. Ce qui n'est pas plus mal, car sur le fond, il faut bien reconnaître pas mal de faiblesses. L'histoire se concentre sur les relations entre Carbone, Silicium, et les humains. Sauf que l'évolution de l'humanité est racontée en filigrane, alors que c'est le rapport à l'humanité qui explique l'évolution divergente de ces deux androïdes. Du coup, on a parfois l'impression de ne pas avoir toutes les cartes en main pour comprendre nos protagonistes. D'autant plus qu'il sont très rarement moteurs de l'action, qui, au passage, est bien maigre.
Résultat : leurs interrogations métaphysiques, leurs disputes et leurs réconciliations semblent bien creuses, en plus de finalement être assez banales. Pour des IA centenaires aux capacités cognitives bien au delà de celles des humains, c'est ballot. Pour une oeuvre de SF aussi ambitieuse, également.

Bref, Carbone & Silicium est envoûtant et ambitieux comme creux et pompeux. Certains apprécieront, d'autres non, et je comprends les deux. Pour moi, cet ouvrage reste une belle balade contemplative dans l'univers de Bablet.