Mésestimé.

Bonjour,
Voici ci-joint mes réflexion sur l'ensemble d'une saga typique de l'époque "des trente glorieuses".

Titre : Boule et Bill
Auteur : Jean Roba

1ère publication : Spirou sept 1959

Publication album : Dupuis

Albums consultées :
– N° 13 « Carnet de Bill », album paru en 1976 regroupant 43 gags en une planche du n° 725 au n° 768.
– N° 17 « Tu te rappelles Bill? » Album paru en 1980 regroupant des planches inédites précédemment en album.
– 1 récit de 4 pages paru le 27 juin 1968 (Spirou n° 1576) dans un numéro spécial vacances.
– 39 gags en une planche paru dans Spirou entre le 3 octobre 1963 et le 14 juillet 1966.
– 1 gag en une planche conçu pour une brochure pour la MNEF et reprise dans Spirou n° 1482 bis du 8 septembre 1966.
Sources :
H. Filippini, Dictionnaire de la BD pp. 73-74.

Éléments de critique externe :
La série semble avoir bénéficier du soutien de Maurice Rosy pour vaincre les réticences de Charles Dupuis à l'égard de Jean Roba .

Éléments d'analyse :
A l'instar de « Gaston Lagaffe » la série possède une dimension chronique de la vie quotidienne, la reconstitution de la chronologique des gags permet de constater que la saga se comporte comme un éphéméride.
– Quelques gags évoquent Noël à travers l'installation d'un sapin.
– Les gags d'hiver mettent en scène la neige et le verglas.
– Les gags de la période d'été évoquent les vacances avec la plage.

L'univers de la série met en scène divers aspects du mode de vie des années 60 / 70 :
– Monde urbain et péri urbain.
– Travail dans le tertiaire.
– Temps du loisir et des vacances.
– Entérine l'intégration de l'animal de compagnie au sein de la cellule familiale, fonction de compagnie de l'animal qui s'installe dans les années 60 au détriment de l'animal comme outil de travail ou comme réserve de nourriture .
La série apparaît met en scène un famille moyenne moderne et modèle pour l'époque :

Caractéristique de la famille Boule et Bill :

La famille B et B est nucléaire Père Mère avec un enfant (Boule). Ce modèle familiale n'est pas celui le plus répandu à l'époque en France, où Baby-boom oblige, la moyenne d’enfant par famille se situe entre 2 et 3 . Cependant la famille nucléaire apparait là comme un modèle de modernité alors que précédemment la famille nombreuse et élargie faisait figure de modèle idéal (à la même époque une série empreinte de modernité comme Michel Vaillant présente une famille de type élargie incluant plusieurs générations et différents types de parentèles (beaux-parents, oncle)).

Statut de Bill le cocker :

Le statut de Bill est ambiguë d'une certaine manière il apparaît comme un deuxième enfant mais il figure en même temps l'apparition de l'animal de compagnie comme substitut d'enfant. Même s'il semble parfois anthropomorphique, le comportement de Bill reste animal il n'incarne pas un stade moins avancé de l'enfant à l'instar du Milou des premiers Tintin. La relation Boule / Bill présente l'enfance comme un temps séparé des adultes dans lequel l'enfant possède un communication privilégier avec le règne animal. Mais Bill n'est pas une simple projection de l'imagination de son jeune maitre, il possède sa propre existence de chien (copains, cachette d'os).

Une nouvelle image de l'enfant héros :

On aperçoit l'émergence d'une nouvelle image de l'enfant. Boule est pleinement un enfant et non un mini adulte comme des héros précédent pouvait les montrer. Boule en tant que héros n'appartient pas au registre de l'enfant trouvé type Tintin. Contrairement à des personnages comme Jo et Zette, qui ne cesse d'échapper à la tutelle de leurs parents il demeure en permanence au sein de sa famille où il se sent bien.
De l'enfant Boule possède la caractéristique d’entretenir un rapport magique au monde. Il possède un lien direct avec son chien Bill qui ne passe pas par le langage parlé.

Précédemment à B & B l'image de l'enfant s'organisait autours de deux images :
1) L'enfant sage correspondant au modèle du mini adulte
2) Le garnement des rues (type Quick et Flupe)

Boule dans la série n'est pas là pour sauver le monde ou incarner des valeurs morale, il exprime et vit sa vie d'enfant qui est différente de celle des adultes. La perception du monde de Boule est différente de celle de ses parents. L'auteur suppose qu'il existe entre adultes et enfants un part d'incompréhension irréductible. Boule entretient encore un rapport magique au monde qui s'incarne en partit dans sa relation avec son cocker Bill.

Cette nouvelle vision de l'enfance rejoint celle qui s'incarne à partir de 1970 dans Yakari.

Vision des parents.

En parallèle d'un nouvelle vision de l'enfant, on peut constater à une certaine atténuation des figures parentales le père n'est pas une référence absolue il peut rechigner se tromper etc...

Boule et Bill est aussi la mise en scène de l'incompréhension adultes / enfants, fréquemment le père se fourvoie (se trouve à contretemps) en voulant participer au monde de son fils.

La famille B & B incarne aussi dans le modèle sociale des classes moyenne émergente.
– Résidence dans un pavillon de banlieue.
– Père travaillant dans le tertiaire (Gag n°165 ).
– Mère au foyer.
– La famille possède une 2 CV citroen.
– La famille prend des vacances au bord de la mer (Gag en 4 pages juin 1968 ).

La série (et son succès) témoigne également de l'esprit d'une époque qui investit dans sa jeunesse .
– Création du Salon de l'enfance.
– Politiques familiale de la IV° et V° république.
– Augmentation des dépenses de jouets.
– Image du bébé cadum.

Le statut de la femme est également nouveau elle est à la fois moderne et traditionnelle.

Elle est moderne :
– Elle entretient un rapport d'égalité avec son mari (à bien des égards on peut même dire que c'est elle qui porte la culotte). Le père même s'il adopte fréquemment la posture traditionnel du père qui lit son journal peut à l'occasion quand sa femme est absente prendre sa place.
B&B vol 1 P 29 2/2 « Un gouter d'anniversaire pour un gentil petit chien chien ? Pourquoi pas ? Maman n'est pas là, mais je pourrais m'en occuper !... »
Dans les cases qui suivent le père se met en cuisine vêtu d'un tablier, le répartition des taches au sein du foyer paraît s'assouplir. Même si ses interventions dans le domaine ménager se conclut souvent par des catastrophes.

– Elle affiche aussi à l'occasion des opinions féministes.

Elle reste traditionnelle :

– Dans le sens où son pouvoir s'exerce sur la sphère privé, domaine traditionnellement dévolue à la femme.
– Elle n'exerce pas de profession à l'extérieur de la maison, les ressources du ménage proviennent du travail du père.
– Quand la famille part en vacances c'est le père qui conduit.

Si la répartition des rôles au sein de la famille est encore assez défini le père se charge des travaux de bricolage et de jardinage tandis que le ménage et la cuisine reste pour l'essentiel du domaine de la mère. La maladresse du père dans les travaux domestique conforte en définitive la répartition féminin / masculin des rôles. Au père revient l'extérieur à la mère l'intérieur.

L'assouplissement des rapport hommes / femmes apparaît lié au progrès moderne dont le pavillon de la famille est l'incarnation :

– Spécialisation des pièces
– cuisine (dont le réfrigérateur est l'élément majeur)
– salon séjour (avec une cheminée)
– chambre
– salle de bain (avec baignoire)
– Mobilier moderne design en matière plastique
– Électroménager

Comme si le progrès domestique constituait le ferment d'une évolution harmonieuse des rapports humains.