(critique faite pour la constitution d'un dossier de master : parmi un choix de titres, il fallait faire une critique et dire quelles raisons on l'éditerait ou non)
Ce qu'il faut de terre à l'homme est une bande-dessinée de Martin Veyron et qui adapte le conte de Tolstoï. Le titre a pu recevoir le Prix Spécial Jury lors du Festival à Angoulême 2017. Ce prix permet de récompenser les albums qui méritent une distinction, mais qui ne rentre pas les autres catégories de prix.
Nous suivons un petit village russe qui vit principalement de l'agriculture. Pacôme, le personne principal, possède une exploitation modeste et arrive à subvenir aux besoins de sa femme et de son fils. Cependant, cette vie simple et satisfaisante que menait ce paysan se retrouve vite perturbée au fil du récit. La visite de son beau-frère lui fait changer d'angle de vue : être plus ambitieux, avoir plus de terre, c'est avoir plus de revenu. De plus, le fils de la Barinya, grosse propriétaire, souhaite mettre fin au laxisme de sa mère qui laissait les petits exploitants utiliser ses terres. Ainsi, il engage un intendant qui se chargerait de battre ou de taxer ceux qui osent encore pénétrer sur les terres de la Barinya. Des tensions commencent à apparaître dans le village, et lorsque la Barinya annonce qu'elle veut vendre son exploitation agricole, les paysans se réunissent pour pouvoir la racheter. Dès ce moment-là, Pacôme va être de plus en plus tenter par le pouvoir et les richesses. Il prendra finalement la place de de la Barinya tout en héritant des fonctions de l'intendant.
Cette bande-dessinée montre l'évolution d'un homme ordinaire qui sera attiré par la cupidité et l'avarice. Une métamorphose s’opère tant au niveau moral qu'au niveau relationnel puisque Pacôme finit par devenir le bourreau de son village. Loin de se soucier des autres, seul le profit l'intéresse. Ce thème possède une portée universelle et intemporel, et arrive à interpeller le lecteur, peut importe qui il est. Martin Veyron s'est inspiré du conte de l'écrivain russe Tolstoï datant de 1886 et ce dernier s'était déjà appuyé sur les Histoires d'Hérodote, ce qui montre bien que l'avarice continue d'exister dans n'importe quelle culture ou société. Cet album trouve une résonance d'autant plus importante dans notre société, où la publicité omniprésente et la surconsommation nous encourage dans l'augmentation des richesses. Ici, le dépouillement et le détachement matériel est plutôt préconisé, et c'est que montre la fin : après tout, à quoi bon gagné toujours plus de terres, alors que nous sommes tous condamné à tout perdre ?
En définitif, il me semble intéressant d'éditer cet album, en grande partie pour sa morale universelle et intemporel. De plus, il parvient à s'éloigner de nos dogmes, et propose plutôt une philosophie proche de l'épicurisme. L'édition de cette bande-dessinée serait encore plus intéressante à l'heure actuelle où à cause de notre société de consommation, peu d'entre nous semble satsifait de ses possessions. Plus encore, le monde agricole est mis en avant et l'auteur parvient à montrer des paysages et des étendues de terres sur des pages entières, ce qui pourrait être un moyen de faire découvrir au grand public un corps de métier qui se voit aujourd'hui en déclin. D'un point de vue matériel, les éditions Dargaud ont réussi à proposer un album de qualité avec une couverture dure et des pages épaisses, ce qui rend la bande-dessinée difficile à abîmer, ce qui est un grand plus pour les collectionneurs.