Nous sommes aux alentours de l’an mille. Les vikings se sont installés en Normandie, et la cohabitation avec les habitants ne se passe pas au mieux. L’histoire d’amour entre Galwinthe et un viking fera d’elle une sorcière aux yeux de tous, les tensions montent, et ça dégénère en incendie et en massacre. Lorsqu’une villageoise voit son enfant morte sous yeux, elle tient Galwinthe pour responsable, la maudit, et jure de se venger en tuant ses enfants.
Des années plus tard, Galwinthe vit dans une maison isolée seule avec ses deux fils, le plus âgé étant un « fils modèle », bon chasseur et toujours de bonne humeur, et l’autre étant encore petit et un peu jaloux de son frère. C’est le moment que la villageoise choisit pour mettre en œuvre sa vengeance… L’un des fils n’en réchappera pas.
À mes yeux, le gros point fort de cette BD, c’est qu’elle est vraiment très belle. La dessinatrice se sert parfaitement de l’imagerie viking avec ses entrelacs, ses vêtements ouvragés, ses maisons en bois, ses coiffures – on a l’impression que les cheveux des personnages volent en permanence, ils ont du volume, de l’ampleur, qui accompagne et exacerbe leur gestuelle et leur expressivité ! Les couleurs rendent parfaitement les ambiances, glaciale dans la forêt, terrifiante lors de l’incendie, chaleureuse dans la maison. Avec leur traitement en aplats et la colorisation du trait, on pense au dessin d’animation, par exemple Brendan et le secret de Kells – peut-être parce que la même imagerie viking y est aussi présente ? Certains verront peut-être aussi dans les expressions et le style de dessin l’influence de l’animation japonaise. Je vois aussi de belles ressemblances tant dans le dessin que les thèmes avec Rebis et La voix des bêtes, la faim des hommes, que j’avais beaucoup appréciés.
Servie par un dessin magnifique donc, la BD nous emporte dans son histoire. On suit Tarik, le frère survivant, dans ses difficiles sentiments face à la mort de son frère. Comme tout survivant, il culpabilise, il se sent responsable, et ça le torture. Il imagine en permanence son frère par dessus son épaule, lui disant qu’il n’est pas à la hauteur, qu’il est un moins bon fils. Il est obsédé par l’idée de retrouver ceux qui l’ont tué, pour, à son tour, les tuer et se venger. Sa relation avec sa mère se dégrade, aussi : elle ne rêve pas de vengeance mais juste de pouvoir faire son deuil et de vivre à nouveau sans cette violence, elle qui a déjà connu le rejet de son village natal.
Une bonne histoire, en plein dans un Moyen-Âge magique et dur, avec des sentiments difficiles qui eux peuvent être tout à fait actuel : la culpabilité, le rejet, la peur, l’estime de soi, le deuil, la rédemption.