Je vous propose une incursion dans un univers cinématographique étrange et mystérieux, avec cette bande dessinée insolite signée de l’auteur lyonnais Serge Annequin.
Jules, un étudiant en cinéma à La Sorbonne, projette de réaliser un mémoire sous forme de documentaire dont le sujet rassemble deux films antagonistes qui selon lui présentent une connexion: ce sont deux films courts, muets, tournés sans négatif. L’un est écrit par un génie, Jean Cocteau, qui à la fin des années 1940, réalise avec quelques amis « un chef-d’oeuvre invisible » nommé Coriolan, un film fantôme que personne n’a jamais vu. Le second est une fabrication automatique, l’enregistrement de vidéosurveillance d’un hôtel réputé hanté de Los Angeles, vu par des millions d’internautes où l’on assiste aux derniers instants de vie d’une jeune touriste canadienne, Elisa Lam. Celle-ci est filmée seule dans un ascenseur du Cécil Hotel, en proie à une grande frayeur. Est-elle en pleine crise de paranoïa liée à la prise de drogues, est-elle le jouet de phénomènes paranormaux ou fuit-elle un agresseur invisible ? Aucune réponse ne sera jamais apportée mais la jeune femme est retrouvée morte quelques temps plus tard dans la citerne d’eau située sur le toit de l’hôtel. De quoi alimenter toutes les rumeurs et passionner les amateurs de légendes urbaines et de true crime…
Rien de tel pour aiguiser la curiosité que de parler d’énigmes qui hantent les cinéphiles. Ces deux films antagonistes fascinent les passionnés d’art cinématographique, et Jules notre étudiant développe une véritable obsession pour ce projet. Son ami, Adrien, lui prête les locaux d’un théâtre appartenant à sa famille pour lui permettre de réaliser son mémoire, mais le jeune homme perturbé par sa vie amoureuse qui part à vau-l’eau, traverse une mauvaise passe et se perd dans sa quête cinématographique jusqu’à, semble-t-il, confondre le réel et l’imaginaire. D’étranges rencontres ont lieu, mais de quoi est-il réellement question: folie, machination, paranormal ou quête de soi?
Le choix du roman graphique pour traiter un sujet lié à la cinématographie est pertinent. Cette bande-dessinée surréaliste épate par son originalité et les émotions que l’auteur parvient à transmettre grâce à un graphisme détaillé: amertume, doute, effroi, horreur. Le cauchemar auquel est confronté Jules est envoûtant et effrayant, et son empreinte tenace. Je ne suis pas sûre d’avoir saisi toutes les subtilités de cet ouvrage mais je suis certaine d’avoir passé un très bon moment en sa compagnie. Pour cela, je remercie chaleureusement Babelio et les organisateurs de la Masse Critique Graphique.