Je m’extirpe des pages de ce roman une nouvelle fois abasourdie par tant de talent: crier au génie ne me suffira pas cette fois à exprimer mon admiration hors norme pour cet auteur ! J’ai lu très récemment Le Manuscrit inachevé, et je me suis littéralement jetée sur Il était deux fois, que l’on peut considérer comme une suite ou un parallèle, contenant quelques explications utiles à la compréhension du fameux manuscrit. Je me répète peut-être mais ce serait un sacrilège de ne pas lire ces romans dans le bon ordre ou de n’en lire qu’un sur les deux… Le lecteur frustré par la fin du Manuscrit inachevé devrait trouver dans ce nouvel opus des éclaircissements et des réponses à ses questions… ou pas… ????
Il était deux fois commence donc ainsi : le lieutenant de gendarmerie Gabriel Moscato arpente la petite ville de Sagas en Savoie à la recherche de sa fille, Julie, 17 ans, disparue sans laisser de traces après une randonnée en vélo. Nous sommes en 2008, ses pas le mènent à un hôtel où il loue la chambre 29 et finit pas s’y endormir épuisé. Il se réveille au rez-de-chaussée, chambre 7, et surtout en 2020. Sa fille a disparu depuis 12 ans… Bien des choses ont changé depuis, à commencer par la rancune que lui voue son ancien collègue et ami Paul Lacroix, remarié depuis avec l’ex-femme de Moscato… Toutefois les deux hommes vont être de nouveau réunis par un objectif commun : retrouver Julie.
Une fois n’est pas coutume, Franck Thilliez prend son temps au démarrage de ce livre, voire même jusqu’à la moitié du roman : cela m’a semblé assez déroutant d’autant plus que j’avais encore en tête le rythme soutenu et l’atmosphère très sombre du Manuscrit inachevé. MAIS, tout vient à point à qui sait attendre : si Mr Thilliez semble vouloir bercer son lecteur c’est pour mieux le réveiller et le malmener au son de trompettes tonitruantes… L’angoisse monte au fil des pages, le lecteur a le temps de se demander vers quelles déviances de la nature humaine va cette fois nous entraîner l’auteur… Nous sommes pieds et poings liés dans l’attente des monstruosités à venir… Et elles arrivent, en masse: pour cela, faites confiance à Franck Thilliez, il sait comme personne vous entraîner dans ses obsessions les plus sombres.
Dans la lignée du Manuscrit inachevé, les troubles de la mémoire sont évoqués et le thème du mystère de la création artistique est omniprésent. On aborde ici l’art extrême, sous plusieurs formes et surtout avec des appuis scientifiques qui accréditent en tous points l’intrigue. L’auteur a cette faculté de repérer des sujets insolites, qu’ils soient scientifiques, historiques ou artistiques, passé ou présent, et de nous les expliquer de façon passionnante pour finalement imaginer ce que la nature humaine pourrait en faire de pire. Franck Thilliez exacerbe la curiosité morbide qui se cache derrière chacun de ses lecteurs, mais tout n’est que prix à payer et la résistance de celui-ci face à tant de noirceur humaine est de nouveau mise à l’épreuve…
L’énigme finale à laquelle nous convie l’auteur nous apporte un peu de légèreté après cette lecture très glauque, mais au combien convaincante et épatante! Les deux romans, Le manuscrit inachevé et Il était deux fois sont à mes yeux les ones-shots (indépendants de la série consacrée à Sharko) les plus réussis de Franck Thilliez… Attention : chefs d’oeuvre !
Retrouvez mes chroniques sur https://loeilnoir.wordpress.com/