Les papys font de la résistance
Le scénariste Wilfrid Lupano est l’une des valeurs montantes de la BD actuelle. L’année passée, il avait déjà marqué les esprits avec "Le singe de Hartlepool", une féroce satire historique sur un singe que des villageois anglais complètement idiots prennent pour un soldat français au début du 19ème siècle. Avec "Les Vieux Fourneaux", Lupano s’illustre dans un tout autre registre: la comédie sociale. Un genre auquel il se frotte avec tout autant de réussite, puisqu’il soulève à nouveau l’enthousiasme des bédéphiles et des libraires. La preuve: la plupart de ces derniers n’hésitent pas à recommander chaudement cet album à leurs clients. Après le singe habillé en soldat français, ce nouveau récit imaginé par Lupano met en scène trois papys qui font de la résistance. Il y a Pierrot, l’incorrigible anarchiste, qui poursuit encore et toujours la lutte en faisant du "terrorisme situationnel". Il y a Mimile, qui semble être un petit vieux comme un autre dans sa maison de retraite mais qui est en réalité tatoué sur tout le corps et qui a fait trois fois le tour du monde en bateau. Et puis il y a Antoine, qui a travaillé pendant 40 ans dans l’usine pharmaceutique Garan Servier, où il a surtout passé beaucoup de temps dans d’interminables luttes syndicales pour améliorer les droits des travailleurs. Désormais tous trois septuagénaires, ces amis d’enfance se retrouvent à l’enterrement de Lucette, la femme qui a partagé la vie d’Antoine pendant plus de cinquante ans. Un sacré personnage elle aussi: après avoir travaillé 10 ans chez Garan Servier, elle a démissionné du jour au lendemain pour acheter une camionnette rouge et créer le théâtre itinérant "Le loup en slip". Le soir de l’enterrement, Antoine, Mimile et Pierrot ressassent leurs souvenirs de jeunesse en les arrosant de beaucoup de poire, comme si de rien n’était. Mais le lendemain, c’est la stupeur lorsqu’Antoine revient fou furieux d’un rendez-vous chez le notaire, s’empare d’un fusil et démarre comme une furie vers la Toscane, là où réside le vieux Garan Servier, le propriétaire de la fameuse usine pharmaceutique qui porte son nom. C’est le point de départ d’un "road movie" plutôt insolite puisqu’évidemment, Pierrot et Mimile ne tardent pas à suivre les traces de leur vieil ami. Au passage, ils embarquent Sophie, la petite-fille d’Antoine, qui ressemble comme deux gouttes d’eau à Lucette et qui a d’ailleurs repris l’activité du "Loup en slip". Encore un détail important: elle est enceinte de sept mois, ce qui évidemment ne facilite pas les choses! "Les Vieux Fourneaux", c’est une de ces BD où tous les morceaux du puzzle se mettent en place parfaitement: le dessin de Cauuet est impeccable, tandis que le scénario de Lupano est original et très rythmé. Mais ce qui fait surtout le sel de cette bande dessinée, ce sont ses dialogues. A la fois truculents et très justes, ils sonnent un peu comme du Michel Audiard moderne. Un vrai régal! "Les Vieux Fourneaux" mérite donc clairement son statut de BD-événement du moment. Vivement la suite.