Critique et extraits: http://wp.me/p5dAdU-2yY
À qui faudrait-il encore présenter Roger Jon Ellory? Peu de monde, tant, en moins de quinze ans, le romancier anglais n’a cessé de gravir les échelons du succès au fil de ses livres. Pourtant, le bestseller britannique ne s’est pas encore vraiment attiré les projecteurs du cinéma, ni même d’autres adaptateurs de luxe. Et voilà que Fabrice Colin et Sacha Goerg s’y risquent, en BD et avec talent, pour restituer une enquête criminelle aux angles multiples dans le Chicago des années 50.
Les yeux sont injectés, la poigne est ferme et la détermination solide. Oui, dans l’antichambre de cette mort électrique et typiquement américaine, Marianne Shaw veut voir crever et souffrir cet homme, cette sordide crapule au regard si vide qu’elle a en face d’elle, séparé par une glace. Lui, c’est Lewis Woodroffe, mais peu importe, il est surtout l’homme jugé coupable et assassin de Carole, sœur bien aimée de Marianne. À ses yeux, ça ne fait pas un pli, ce monstre a tué Carole car elle a refusé de se prêter à l’appétit sexuel de cet inconnu rencontré un peu plus tôt. Pourtant, dans le chef de l’inspecteur chargé de l’enquête, Robert, le doute subsiste, de plus en plus fort, l’invitant à chercher la vérité ailleurs quand les apparences ne sont que trop trompeuses.
Les pages défilent pour mieux croiser les regards et converger (ou pas) vers la surprise finale de cette enquête qui semblait si banale et bouclée. Voilà ce dont il est question dans cette adaptation ambitieuse de Trois jours à Chicagoland d’Ellory. Respectueux de l’oeuvre originale (disponible uniquement en version numérique), les deux auteurs réussissent pleinement à éviter les pièges de ce récit à flash-backs.
Trouvant le ton et la manière pour progresser tout en farfouillant dans le passé, Fabrice Colin et Sacha Goerg réussissent non seulement à habiter leurs personnages tourmentés (l’une par la perte de sa soeur, l’autre par une enquête trop longue et loin de sa famille et le dernier par l’ignominie de l’acte qu’il a commis) mais aussi à amener bien plus qu’une intrigue: une ambiance efficace (le grand travail des couleurs n’y est pas pour rien) qui fait voyager le lecteur dans ce Chicago fantasmé et pas encore remis de la grande époque des gangsters. Sans beaucoup d’action mais avec un vrai sens du drame vécu par ses personnages, Chicagoland n’a rien d’une adaptation banale, elle touche et apprend à revoir son jugement. Habile, fascinant et très intelligent.