La guerre sans artifices romantiques.
Avec "Ernie Pike". Hugo Pratt illustre des instants choisis du conflit de la seconde guerre mondiale, scénarisés par German Oesterheld (quoique que Pratt en scénarisa quelques uns lui même). On ressent tout de suite la différence au niveau des histoires proposées. Les personnages sont réalistes, ambivalents, lâches et courageux à la fois, victimes et bourreaux, monstrueux et traumatisés.
"Ernie Pike", reporter de guerre de fiction, parcourt le conflit le plus meurtrier de l'Histoire dans le temps et l'espace, de l'Europe au Pacifique en passant par l'Afrique, des bunkers enterrés dans les dunes aux villages abandonnés, en passant par les routes boueuses de l'est de la France. Il n'y a pas de fil directeur si ce n'est l'impact implacable qu'à la guerre sur l'homme, mal dissimulé derrière le soldat.
Toutes les histoires n'ont pas le même impact, la même force, thématiques choisies obligent, mais l'ensemble illustre à mon sens parfaitement le fait que la guerre à cette échelle, mondiale, devient un concept évanescent et sans but pour les acteurs en première ligne. Si ce n'est jamais dit explicitement, il n'en reste pas moins que l'absurdité du conflit explose au visage du lecteur. Ces "chroniques de guerre" sont de fait un formidable plaidoyer pour la paix.
Le dessin de Pratt est beau, comme toujours, plus réaliste qu'à l'accoutumé à l'instar d'un "Fort Wheeling" dans un tout autre genre, pour mieux ancrer le lecteur dans la cruauté de ce conflit. Parmi tous les épisodes proposés, j'ai une tendresse particulière pour celui du bataillon brésilien égaré, capturé par les allemands qui doivent obtenir à tout prix obtenir des renseignements pour pouvoir contrer l'offensive américaine... L'interrogatoire qui en découle et son dénouement est d'une émotion terrible...