Tas de pierre
Cette critique aurait dû paraître dans le numéro 17 des Cahiers de la BD. Pour ne pas qu'elle reste lettre morte, je la publie ici. En Occitan, Clapas signifie quelque chose comme « tas de pierre »...
le 25 déc. 2021
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Cette critique aurait dû paraître dans le numéro 17 des Cahiers de la BD. Pour ne pas qu'elle reste lettre morte, je la publie ici.
En Occitan, Clapas signifie quelque chose comme « tas de pierre ». Celui qui s’est formé lorsque, il y a 600 ans, des éboulements ont défiguré les montagnes au sud du Vercors. La population locale a alors cru à une intervention du diable en personne. Difficile en tout cas de ne pas déceler une intention maléfique dans le glissement de terrain qui contraint un groupe de six touristes à abandonner leurs véhicules, pour errer sur une départementale perdue au cœur de la région. Lorsque deux chasseurs un peu louches leur proposent de tenir compagnie au cadavre de sanglier qui trône à l’arrière de leur pick-up pour les emmener à la prochaine ville, on anticipe vite l’horreur de la situation.
En 150 pages, Isao Moutte développe ainsi un thriller cru et sans concession dans la lignée du film Délivrance de John Boorman. Sortie en 1972, cette œuvre phare du Nouvel Hollywood confrontait des citadins adeptes de descente de rivière en canoë à une famille de géorgiens consanguins prêts à en découdre. Des Chiens de paille à Massacre à la tronçonneuse, cette vision d’un monde rural décadent prenant sa revanche a infusé le cinéma américain de cette époque. Jouant avec cette même peur des marginaux violents, Isao Moutte a bien compris le caractère symbolique d’une thématique qui dissèque les pulsions humaines indépendamment des lieux et des époques. Le choix du Sud de la France comme décor paraît d’ailleurs avant tout esthétique. On croirait parfois que le dessinateur a construit ce récit dans le seul but d’écraser le lecteur avec de grandes cases sculptant la montagne avec un souci du détail.
Voguant chez différents éditeurs indépendants depuis une dizaine d’années, l’auteur franco-japonais, formé aux beaux-arts d’Angoulême, délaisse le style cradingue underground de ses premières œuvres pour développer une veine plus réaliste. Clapas est aussi son premier album en couleur, proposant une monochromie ocre qui parachève l’immersion dans ce massif de la Drôme. Mais avec la vision qu’il donne de ses habitants, tous plus alcooliques, arriérés et criminels les uns que les autres, pas sûr qu’on trouvera l’ouvrage en vente aux offices du tourisme de la région l’été prochain.
On a aimé : Il faut bien admettre que la construction narrative et le découpage de chaque planche ménagent quelques effets de suspens d’une efficacité redoutable. À quelques exceptions près, le récit parvient à rester imprévisible, surtout lorsque… non, on ne préfère rien dévoiler.
On a moins aimé : Une fois le livre refermé, il manque un petit quelque chose. Si ce récit aux abords de l’épouvante ne manque pas d’ambition visuelle et formelle, difficile de déceler un propos ou une réflexion qui viendrait pleinement justifier la démarche artistique de Isao Moutte.
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Créée
le 25 déc. 2021
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