A une époque où je trouvais que l’animation japonaise avait de moins en moins à m’offrir, j’ai découvert un anime qui m’a réellement enthousiasmé : Claymore. Récit de fantaisie sombre dans un univers violent, j’ai été marqué par son héroïne et par son dessin sortant des canons du genre – en particulier concernant les visages des personnages – qui lui offrait un surplus d’identité salutaire. Son seul défaut : une fin bricolée par le studio pour apporter une conclusion à l’histoire – le manga étant toujours en cours à l’heure actuelle – mais de plusieurs crans inférieure au reste de la série.
Se faisant, je décidais tout naturellement de jeter un coup d’œil sur la version d’origine, déjà bien avancée dans sa publication française. Il aura finalement fallu attendre l’année 2013 pour que je débloque un budget.
Ce manga suit le parcours de Claire, guerrière mi-humaine mi-démone chargée de lutter contre ces mêmes démons, pour le compte d’une Organisation qui les contrôle et fait payer cher leurs services. De leur côté, les hommes craignent les Claymores, ces « sorcières » aux yeux et aux cheveux argentés, tout en reconnaissant leur utilité. Mais Claire va progressivement comprendre que l’Organisation cache de nombreux secrets, et cherche à éliminer celles qui dans ses rangs contestent son autorité.
Une fois n’est pas coutume, je commencerai par des reproches. Comme le manga a été publié dans un avatar du Shônen Jump, nous y trouvons au moins deux défauts : une importante auto-censure là où le scénario justifierait du sang et des tripes à foison, et une augmentation de la puissance aussi rapide que radicale.
Pour la censure, prenons un cas simple : celui de la tête tranchée. C’est quelque chose qui arrive régulièrement. Seulement, l’auteur va recourir à trois artifices : soit il posera la tête sur le sol au niveau de la plaie, soit il utilisera un contre-jour bien pratique pour se contenter de suggérer ses contours, soit il cachera la section grâce à un objet placé devant ou carrément avec la bordure d’une case. Claymore survit parfaitement malgré cela, mais ces techniques sont grossières et l’idée même de censure est une erreur ; compte-tenu de l’univers de la série, sa violence macabre était pourtant prévisible.
Concernant l’augmentation de la puissance, il s’agit d’une constante des shônen, mais elle est ici tellement abrupte et récurrente qu’elle perd rapidement sa signification. Concrètement, les Claymores sont classées en fonction de leur puissance ; mais au bout d’un moment, celles parmi les premiers numéros paraissent ridicules par rapport à Claire, alors qu’elles étaient jusque-là présentées comme une élite intouchable.
Mais bon, je critique, je critique,… Qui aime bien châtie bien, comme on dit !
Car le plus important, c’est que j’apprécie ce manga. Déjà, pour les raisons qui m’ont fait apprécié l’anime : son univers de fantaisie moyenâgeuse avec ses villes disséminées à travers le monde, ses démons, et ses guerrières ; son héroïne : sa personnalité, son passé, et sa vengeance ; son dessin différent du tout-venant auquel j’adhère parfaitement ; la série regorge de personnages charismatiques, d’ennemis redoutables, de techniques de combat impressionnantes – chaque Claymore développant ses propres aptitudes – mais aussi de mystères que Claire devra comprendre ; et, bien évidemment, il y a de l’action.
Le manga dispose des mêmes qualités, mais va plus loin dans l’histoire et s’appesantit beaucoup plus sur le côté complot, et de manière globale sur l’Organisation et ce qu’elle cherche à cacher. C’est la version de référence.
Tous ces éléments forment un grand ensemble faisant de Claymore un titre passionnant, recourant à des codes classiques – j’ai mentionné tantôt l’évolution de la puissance – mais au service d’un univers élaboré et de personnages mémorables. Surtout, ce manga possède une qualité rare : une identité unique lui permettant de ne ressembler à aucun autre.
Sans que nous puissions parler non plus d’un chef d’œuvre, il s’agit à n’en pas douter d’une valeur sûre.