Code: Breaker
5.9
Code: Breaker

Manga de Akimine Kamijyo (2008)

Les auteurs de Shônens, aujourd’hui plus conformistes et moutonniers que par le passé, s’adaptent davantage qu’ils ne cherchent à imposer leurs vues. Plutôt que de se démarquer, de prendre un risque inconsidéré et de se promener hors des sentiers battus, là où le périple y est le plus aventureux, ils filent doux ces gens-là. Il est déplorable de se dire que tant, parmi leurs aînés, se sont cassés le cul à sans cesse proposer des choses nouvelles, pour finalement trahir leurs engagements pour rentrer gentiment dans le rang et marcher dans les clous. L’édition manga est en cause, mais les auteurs ayant pris le pli de leurs revendications étriquées ne méritent guère que des mollards mousseux au beau milieu de leur trogne.


Code Breaker ? J’en ai deviné l’année d’écriture rien qu’avec un coup d’œil porté sur le dessin. En fonction du style et des trames utilisées, je savais que ça nous venait de la décennie 2000. Quoi que, même à l’époque, l’auteur, n’ayant pourtant aucune patte spécifique, avait en plus du retard sur le style graphique qui se faisait à l’époque. Code Breaker, dès sa couverture, s’annonce comme le parcours boiteux d’un mouton à trois pattes qui désespère de rattraper le troupeau.

Figurez-vous que ce manga avait déjà bon un train de retard sur Psyren et se trouvait sans doute deux vols à la traîne de Jigoku Sensei, deux mangas avec lesquels on lui trouvera des proximités, à cette œuvre-ci.


Le premier chapitre est un désastre qui prélude d’une suite aussi prévisible que son amorce. Il n’est pas confondant, il est confus. La narration, l’orchestration des planches, c’est pressé, maladroit, et on ne comprend pas s’il y a matière à rire ou se scandaliser. Aussi dans le doute, je ferai les deux à la fois.

Ça commence mal. Mais alors très mal. C’était encore les années 2000, les beaux ténébreux qui se prenaient trop au sérieux étaient encore des égéries. Ça ne durerait pas. La protagoniste ? Elle n’est ni plus ni moins que la plus belle fille de son établissement. Douée dans les arts-martiaux aussi. Ô surprise, ce ténébreux au visage glaçant, impénétrable, voilà qu’il devient élève dans sa classe au beau milieu d’une année scolaire après qu’elle l’ait aperçu par hasard.

Non, navré… cette ficelle scénaristique, elle était déjà datée déjà dix ans auparavant. Le niveau d’imagination de son auteur, qui s’en remet à tous les poncifs pour ne rien rajouter de son cru en sus, donne le « la » de ce qui sera sa composition. Y’a aucun élan créatif derrière, rien qu’un calcul éditorial bricolé en fonction de ce qui marchait à l’époque. Hiro Mashima n’a rien inventé. Il n’a même pas ce mérite.


On ne m’ôtera pas de l’idée qu’entre ce qui tient à son character design, le gant à sa main et sa propension à brûler le tout-venant, Oogami aura été pensé comme une retranscription mal décalquée du colonel Mustang.

Oogami, qu’on appellera ici Shadow McDark – on a tous eu ce pseudo du temps de MSN Messenger – veut battre les méchants en étant très méchant. Ces gens-là, les méchants, font des méchancetés, du coup faut les brûler. Méchamment.


Voilà pour le scénario de Code Breaker. Inutile de vous dire que les mauvais bougres sont ici tous excessivement cruels jusqu’à la déraison. Prenez Raoh, rajoutez d’un zeste de Freezer, saupoudrez d’un rien d’Aizen, versez-y le contenu de votre fosse sceptique et touillez. Au bout du bout, chaque « méchant » sera fait de cette substance. Et ces gens-là, au beau milieu des méandres tourmentés de Code Breaker, on les trouve à chaque coin de rue ; à chaque coin de page.


Les adversaires plus importants, soyez rassurés, sont eux aussi modelés à partir de Darkonium enrichi. Itachi Uchiha, dilué dans une eau marâtre, nous sera ainsi dispensé en continu sous diverses facettes.

Vous les aimez avec les yeux vairons et la clope au bec vos éphèbes ombrageux ? Vous les préférez habillés en cuir avec des chaînes et une mèche blanche ? À moins que vous ne les souhaitiez androgynes au point même d’être des femmes. Vous les voulez peut-être avec des cernes sous des petits yeux plissés et glaciaux ? Eh bah tant pis ! Vous les aurez quand même !

Faut voir le bestiaire, on jurerait, sur le tard, avoir un Boys Band coréen en guise de héros.


Code Breaker ressemble à tous ces mangas des années 2000 qui se lançaient sans avoir où atterrir. Les Black Cat et autres Beelzebub, y’a de tout ça dans la sauce indigeste qui nous est servie. Y’a pas d’objectif clair qui soit défini, ça vivote parfois, mais jamais avec une finalité claire.


Akimine Kamijyo, peut-être consciente de la lourdeur de ses belles œuvres, allégera la mixture en conséquence en cherchant à y adjoindre de l’humour. Ça n’est pas fameux – on n’en rira jamais – mais ça aura au moins le mérite d’édulcorer partiellement la soupe aux ténèbres affectés qu’était Code Breaker avec son lot d’esthètes adolescents.


Et tandis que je ruminais la déjection qu’on me servait à pleines plâtrées dans l’assiette, j’ai reconnu un arrière-goût. Les dessins avaient muté, le propos n’était pas le même et la narration s’avérait toute autre mais… après une centaine de chapitres dans la musette, je me rendais bien compte que ce dégoût qui était le mien à la lecture répondait en écho à un autre qui, des années auparavant, m’avait déjà mis le cœur au bord des lèvres. Akimine Kamijyo, c’était l’auteur de Samurai Deeper Kyô. J’avoue avoir été surpris.


On peut reconnaître un mauvais mangaka à ses manqués récurrents en ce sens où il réitère sans cesse les mêmes immondices. Mais Akimine Kamijyo a réussi ce tour de force – dont je fus spectateur pour la première fois – consistant à commettre deux œuvres exécrables, mais dans deux styles différents. Du moins, apparemment.

Car de même que Code Breaker se sera construit lamentablement en piochant dans les assiettes des voisins de 2008 à 2013, le même procédé fut mis en œuvre du temps de Kyô. La différence tenait ainsi au fait que le répertoire à cliché d’alors n’était pas le même la décennie précédente.


Quant au contenu de Code Breaker, n’oubliez pas de le saluer de ma part si vous le croisez, je le loupe de peu à chaque page que je tourne. Les déclarations creuses et grandiloquentes pour générer des enjeux gonflés à l’hélium ranci, les combats brouillons dépouillés de toute forme d’inventivité et d’intérêt, les postures esthétiques et autres sourires machiavéliques suremployés, tout ça et plus encore seront autant de raisons de ne pas lire Code Breaker. J’ai fini le manga et je me tourne vers mes lecteur, un air navré et dépité pour leur dire… que je ne sais même pas de quoi il parlait. L'auteur n'en serait pas plus capable. Code: Breaker se sera orienté dans toutes les directions désespérément pour finalement prendre le parti de trépigner pour n’aller nulle part.


Ce que j’adresse ici, c’est pas un de ces 1/10 enragés comme je peux en lâcher pour des déjections dont l’odeur âcre constitue cependant leur singularité. Non, c’est une note que je lâche blasé, succédant à un haussement d’épaule. Le manga n’est pas ici mauvais du fait que son auteur ait échoué, mais parce que ce dernier n’a pas même cherché à mettre une once d’originalité dans sa création. De son auge, à madame Kamijyo, j’en ressors les pieds crottés, mais sans même l’envie ou la passion de m’écrier « Mais quelle merde, bon Dieu, quelle merde ! ». De Code: Breaker, on n’a pas envie d’en parler, parce qu’il n’y a tout simplement rien à en dire.


Mes félicitations toutefois à son auteur pour avoir su continuer comme parasite éditorial durant deux générations de mangas aux styles marqués. C’est grâce à de tels modèles de probité que le genre est ce qu’il est aujourd’hui. Mais ce qu’on pourrait penser être un cancer n’est en réalité qu’une métastase lointaine d’un mal plus profond et antérieur. Il ne faut jamais oublier qu’Akimine Kamijyô a été la jeune élève de Rumiko Takahashi. Certains liront peut-être Ranma 1/2 et Inuyasha la larme à l’œil du fait d’une nostalgie bien mal placée, mais les premières pelletées les plus décisives pour enterrer le Shônen, c’est elle qui les a adressées. Sa disciple n’a alors fait que perpétuer son héritage funeste.

Josselin-B
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le 12 oct. 2024

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Josselin Bigaut

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