La rencontre de Herbert, Duc de Vaucanson, et Ababakar Octopuce, Prince sans Principauté qui foule de sa sandale les tombeaux des Rois, fut aussi courte que la saga Donjon n’est longue : et puis, la simple formulation de tels patronymes, assortis de titres à rallonge enclins à la dérision, illustre à merveille les vertus et prétentions de ce premier tome de l’arc « Zénith ».
Cela fait déjà plus de vingt ans que la paire Lewis Trondheim et Joann Sfar a initié l’univers foisonnant de Donjon, sorte d’institution comme d’OVNI de la bande dessinée française : capitalisant sur la participation de différents artistes, ses huit sous-séries cristallisent une intention aussi bien qualitative que quantitative, qu’il s’agisse de leur rythme de parution, le formatage et l’échelle de numérotation des tomes etc. Le tout au service de trois époques, des prémices au fameux « Zénith », pour finir par l’inévitable déclin, l’œuvre a tout de la saga se donnant les moyens de ses ambitions.
Bref, de façon plus concise : le premier volume, Cœur de canard, ne nous laisse pas indifférent tant il divertit, déride et, surtout, intrigue. Sous ses dehors drolatiques sans sérieux, l’on y décèle quelque chose de plus malin qu’il n’y paraît, le sens de la formule et des barbarismes de ses auteurs démontrant d’un imaginaire bien pensé : sous couvert d’un rythme sans temps-mort, le récit dévoile sans coup férir son bestiaire bigarré sur fond d’heroic-fantasy pittoresque, la menace des Dégusteurs d’Âmes s’avérant aussi prégnante qu’anecdotique au sein d’un tel microcosme.
Truffés de bonnes idées et d’une ironie mordante (nous nous esclaffons à juste titre à loisir), Cœur de canard tient de la mise en bouche en fanfare, un triomphe nous faisant dire que le trait de Trondheim est aussi peu simpliste que le serait l’intrigue… en apparence. Aussi : quid d’Alexandra ?