Ma vie avec Clint
Clint est octogénaire. Je suis Clint depuis 1976. Ne souriez pas, notre langue, dont les puristes vantent l’inestimable précision, peut prêter à confusion. Je ne prétends pas être Clint, mais...
le 14 oct. 2016
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Pourquoi une énième adaptation de Joseph Conrad ? La froide description de l’horreur ne nous transporte plus au Congo, ni au Viêt-Nam, mais en France. Glaçant.
En 1899, Conrad contait la remontée du fleuve Congo d’un officier de marine chargé de reprendre contact avec Kurtz, directeur de comptoir et collecteur d’ivoire, dont la compagnie était sans nouvelles ? Vous connaissez tous la version vietnamienne à grand spectacle de Francis Ford Coppola, le collecteur s’est mué en colonel Kurtz, béret vert et proconsul déviant, que le capitaine Willard est chargé d’assassiner.
Jean-Pierre Pécau confie au lieutenant Varenne la mission de retrouver et tuer le colonel Scherb. Anciens des colonnes infernales, « l'ange de la terreur » se retranche avec ses hommes dans un marais breton, un territoire qu’il a coupé du monde. La transposition est courageuse, ne nous plonge-telle pas dans un passé qui « ne passe pas » ? Si la réconciliation Blancs – Bleus a bien eu lieu, si la République assume les excès « utiles et féconds » de la Terreur, le débat sur l’éventualité d’un « génocide vendéen » déchaine les passions. Les historiens s’accordent sur la réalité des massacres, mais différent sur leur importance et sur l’existence, ou pas, d’une volonté politique.
Très simple, le crayonné de Benjamin Bachelier surprendra. Les décors sont minimalistes, les visages cabossés, mais les attitudes justes. Il réserve la couleur aux cauchemars, aux bouffées délirantes ou à la très belle scène de la sortie du fleuve des Diables noirs.
Varenne n’aspire qu’à quitter la Vendée pour rejoindre en Alsace la « vraie » guerre. Le scénario ne s’attarde pas sur le contexte militaire. On tue et on est tué. Le voyage en canoé n’a pas l’ampleur de la remontée en patrouilleur, les bombardements aériens, le napalm et les charges en hélicoptère... En 1794, la guerre se fait artisanale. On tue, certes, tout aussi bien au fusil à silex et à la baïonnette. Plus que d’ampleur, Bachelier manque de temps et de pages pour transcrire le basculement progressif dans la folie.
Peu de dialogues, si ce n’est lors de la confrontation finale. « Il a encore tant de choses importantes à faire, il connaît tellement de chose », soupire l’adepte. En bon soldat, le colonel remet son rapport : « Tenez, il faut qu’ils sachent ! » Qui doit savoir ? Le général ? La Convention à Paris ? Les témoins ? Nous ? Que décrit-t-il ? Qu’a-t-il découvert sur la guerre et sur la mort ? Nous n’aurons droit qu’au célèbre : « L’horreur, l’horreur... » qui n’a pas fini de nous hanter.
6,5
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le 9 oct. 2019
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