Coke en stock est un album qu’on a toujours un peu tendance à oublier, coincé qu’il est entre L’Affaire Tournesol (considéré comme le zénith graphique de Hergé) et Tintin au Tibet (considéré comme le chef-d’œuvre absolu par beaucoup - dont je ne fais pas partie). C’est pourtant un album d’une grande richesse, aussi bien du point de vue narratif que graphique. C’est un condensé de tout ce qu’est TINTIN dans lequel on retrouve tous les personnages favoris de l’auteur (Tintin, Milou et Haddock bien sûr, les Dupondt, Tournesol, Nestor, la Castafiore, Alcazar, Rastapopoulos et Allan, Oliveira de Figueira, Abdallah et son père Ben Kalish-Ezab, Mull Pacha alias Müller, Bab El Ehr, Séraphin Lampion et Szut un petit nouveau).
Pour ce qui est de l’histoire, Hergé nous fait voyager du monde urbain occidental et de Moulinsart jusqu’au Moyen Orient en avion, à cheval et en bateau pour évoquer un sujet très sérieux puisqu’il traite du trafic d’esclaves en Mer Rouge. Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’un personnage estampillé comme positif comme Ben Kalish Ezab ne menace de révéler ce trafic illégal que lorsqu’on lui porte préjudice. Ce qui sous-entend qu’il n’est pas fondamentalement contre. Une belle ambivalence qui rend le personnage beaucoup plus réaliste et moins sympathique que ce qu’il laissait penser au départ par son attitude permissive envers son insupportable rejeton. Les ambiances décrites, notamment lors du passage en mer et sur le cargo, sont elles aussi particulièrement criantes de vérité. La Castafiore dont le rôle est plus élaboré que d'habitude est plus agréable et la révélation de l’identité du marquis di Gorgonzola arrive pile au bon endroit, rendant Rastapopoulos plus inquiétant que jamais.
Coke en stock est donc un album d’une grande qualité qui prouve qu’en dosant parfaitement les éléments, on parvient à créer un scénario équilibré et d’une richesse presque inépuisable.
Le seul bémol qu'on ne peut s'empêcher de noter est cette séquence maladroite durant laquelle les héros ont toujours mieux à faire que libérer les Africains prisonniers dans la cale du bateau. C'est un peu dommage dans un album qui dénonce l'esclavage. Sans ça, l'album valait 8/10.