Vincent Brugeas étant un de mes scénaristes de bandes dessinées préférés. Il était donc naturel que la présence de son nom sur la couverture de Colt & Coal éveille mon intérêt. Je nourrissais en effet l’espoir que ce nouvel opus s’inscrive dans la lignée qualitative d’ouvrages tels que Le Roy des Ribauds, Ira Dei, Block 109, Cosaques.
L’histoire se déroule dans le Wyoming à la fin du dix-neuvième siècle. Le quotidien de la bourgade de Newcastle est chamboulé à la suite de la découverte de la dépouille du contremaitre de la mine. Cet événement génère des tensions dans la communauté. Le shérif local en charge de l’enquête va devoir marcher sur des œufs pour résoudre le mystère en cherchant à ne pas réveiller des conflits qui pourraient mettre la ville à feu et à sang…
L’intrigue se construit autour de l’enquête, de son contexte et de ses conséquences. Les relations étant complexes entre les différentes communautés (mineurs, immigrés, autochtones, notables), le meurtre sur lequel travaille le shérif place la ville sur une poudrière. La perception de la justice est en effet différente d’un protagoniste à l’autre. Les enjeux politiques, sociaux et économiques ne sont pas neutres. Bref, le climat est bien lourd pour mener sereinement des investigations…
Le shérif est logiquement au centre de la trame. Malgré des valeurs saines et un sens aigu de la justice, il ne fait pas l’unanimité dans la communauté. Cette enquête va en effet l’enfermer dans des dilemmes cornéliens. Il va être partagé entre la rigueur ses principes et des compromis qui semblent inéluctables. Le personnage est intéressant sans pour autant être réellement attachant. De mon point de vue, le dessin un petit peu froid de Mr Fab crée une distance entre le lecteur et l’intrigue expliquant peut-être pourquoi je ne me suis jamais vraiment passionné pour le destin du héros.
L’histoire propose une jolie galerie de personnages dont je me garderai de faire une liste détaillée. En effet, le plaisir de la lecture réside aussi dans la découverte de tout ce petit monde. Je peux néanmoins vous dire qu’ils sont joliment écrits qu’ils soient mineurs, propriétaires industriels ou simples habitants du coin. Les différentes rencontres faites par le shérif ne font que confirmer qu’il est coincé entre le marteau et l’enclume. Les colères qui semblent habiter chaque membre de la communauté laisse peu espérer une issue apaisée et acceptée. Cette tension transpire de chaque protagoniste.
La situation de départ est efficacement amenée. Les enjeux, l’atmosphère, les protagonistes… Tout est présenté efficacement dans une ambiance classique de western. Les codes du genre sont bien respectés. Le lecteur se trouve ainsi plongé dans un univers plutôt familier. L’intrigue est riche et habilement construite. Il n’y a aucun temps mort et la tension dramatique ne cesse de croitre au fur et à mesure que les pages défilent. Néanmoins, je dois bien dire que je n’ai jamais été complètement emporté. J’ai toujours eu le sentiment d’une distance avec l’histoire. Je pense que cela s’explique en grande partie par le style de Mr Fab auquel je suis resté assez hermétique. J’ai trouvé les personnages sans réelle personnalité. La dimension sensorielle des lieux est réduite au minimum. Bref, la dimension graphique de l’ouvrage est, à mes yeux, son gros point faible.
Au final, mon ressenti à l’égard de cet ouvrage est mitigé. Ce n’est pas le classicisme de l’intrigue qui ne me gêne pas, loin s’en faut. En effet, ce western propose un scénario riche, solide et plutôt prenant. Néanmoins, le style du dessinateur m’a empêché de m’immerger complètement dans l’histoire. Je trouve que les illustrations ne dégagent pas grand-chose et m’ont enfermé dans mon statut de spectateur déconnecté du récit. Mais les goûts et les couleurs ne se discutant pas, je serai donc curieux de lire le point de vue de personnes qui sauraient me décrire l’apport du travail de Mr Fab dans cet album car je regrette toujours de développer ce genre de ressenti négatif à l’égard d’un travail artistique que je respecte toujours…