Après un premier tome (le Requin qui mourut deux fois, où Brazil évoluait seul à la manière de 007) qui aurait pu enfermer le héros dans une routine et un ronronnement probables, le ton change ici, c'est le grand démarrage de la série. Tout en gardant un aspect bondien, Greg (qui signe sous le pseudo de Louis Albert) insuffle un côté "mission impossible" à l'aventure grâce au groupe d'élite recruté par Brazil pour accomplir des missions spéciales, où chacun aura une fonction bien précise comme dans la célèbre série TV.
Les individualités sont fortes et bien typées : outre Brazil, chef intelligent qui ne sous-estime jamais l'adversaire et qui prépare tout avec soin, on trouve Gaucho Moralès, le plus redoutable des "Caïmans", le doyen aussi, un Mexicain exubérant et râleur, fidèle en amitié ; Texas Bronco, au look cowboy, c'est un casse-cou superbe et bagarreur, en même temps qu'un chimiste doué pour la fabrication de gadgets ; Billy Brazil est le plus jeune de l'équipe, le plus influençable aussi, frère cadet de Bruno, c'est un as du sabotage spécialisé dans la fabrication de machines infernales ; Big Boy Lafayette, ancien jockey, adroit par sa petite taille, est spécialisé dans la pose de micros espions et la transmission radio, il utilise comme défense un yoyo en acier ; et enfin, la sublime Whip Rafale est l'élément féminin indispensable à toute bonne équipe qui se respecte, c'est une parachutiste accomplie, judoka, tireuse d'élite et manieuse de fouet émérite au charme dévorant, une véritable Lara Croft avant l'heure.
Vance atteint encore un cap supplémentaire dans la qualité de son dessin, à l'aide d'un crayon aiguisé qui restitue des visages souvent très carrés et un réalisme dans les décors, tandis que Greg commence ici à multiplier son style de dialogues au ton cynique, avec une aisance à manier l'humour ironique, c'est sa marque de fabrique, perceptible dans d'autres séries réalistes qu'il scénarise comme Bernard Prince ou Comanche.
Au final, on a une série bien lancée dont la suite va s'avérer encore plus passionnante avec des épisodes d'une grande intensité, sublimés par le talent graphique de Vance. C'était une de mes séries fétiches dans le journal Tintin, quand j'étais gamin, j'adorais les westerns mais aussi les agents secrets.