Un an après Le Requin qui mourut deux fois, la saga de Bruno Brazil change de direction. L'agent secret solitaire aux accents bondiens cède sa place à un commando spécialisé dans les missions les plus périlleuses. Bruno Brazil reste, évidemment, à sa tête mais le genre s'éloigne du monde de l'espionnage pour se relier davantage aux récits de guerre. En conséquence, on se trouve face à un second album d'introduction. Dans le sillage de la série Mission impossible ou des Douze salopards, les premières planches voient Bruno Brazil constituer son unité. La présentation des différents personnages est rapide et on comprend bien pourquoi. Greg ne peut pas consacrer dix planches à peaufiner le portrait de chacun. Le titre se veut une BD d'action et il est donc évident que l'action doit rapidement primer. Et c'est le cas. Plongé dans un coin paumé de la jungle d'Amérique du Sud, le commando enchaîne les pépins : certains membres se blessent gravement, d'autres sont faits prisonniers et le plan ne peut pas se dérouler comme prévu. À travers ces diverses péripéties, le caractère des uns et des autres se fait jour, ce qui est plutôt bien vu.
Le prétexte de la mission est intéressant : il s'agit de mettre fin aux agissements de criminels qui, par le biais de la télévision, visent à laver le cerveau des télespectateurs. En 1970, l'idée est plutôt novatrice. Il est dommage que la figure du "méchant" soit aussi caricaturale. Certes, il s'inscrit dans la tradition des conquérants qu'on retrouve souvent chez Bond, mais il est ici bien fade et fragile. On aurait ainsi préféré un personnage moins naïf. Cela dit, on peut se consoler avec un entourage qui est autrement plus impitoyable. La résolution manque, quant à elle, d'intensité, les différents membres du commando se trouvant à chaque fois au bon endroit pour déjouer les sursauts des uns et des autres belligérants. Elle manque également d'enjeu dans la mesure où l'unité semble agir au doigt mouillé plutôt que suivre un plan bien établi. Dans ce type de récit, c'est un peu dommage. Cependant, l'action est bien dosée et, la faillibilité des uns et des autres étant toujours bien mise en avant, on craint pour le sort de chacun jusqu'au bout. C'est donc bien vu. En revanche, bien évidemment, depuis 1970, certains dialogues ou situations relèvent souvent de la théâtralité, ce qui fait baisser la tension d'un cran.
Le dessin de William Vance se révèle, une nouvelle fois, très immersif. Les passages dans la jungle sont ainsi particulièrement réussis, les scènes d'action claires et les personnages bien typés. L'ambiance nocturne et poisseuse (dans la jungle) est renforcée par des teintes verdâtres et beiges qui rappellent que la mission n'a rien d'un séjour touristique. Les planches de la dernière partie sont, en revanche, plus dépouillées. C'est ainsi l'occasion de mieux servir l'action, dont un joli combat entre les deux personnages féminins du récit, particulièrement réussis en tous points. On pourra regretter quelques passages trop bavards qui, en outre, apportent peu de choses au récit à proprement dit. Au final, nous avons un titre divertissant et efficace mais qui semble encore en gestation. Le potentiel est là mais tout n'est pas encore optimisé à mes yeux.