D'entre les ombres - Ed Brubaker présente Catwoman, tome 1 par arnonaud

Un peu de remise en contexte : Catwoman, à la base une ennemie bien connue de Batman, n'a eu des histoires en solo qu'à partir d'une mini-série de 89, puis elle a eu une longue série solo à partir de 93, qui s'est arrêtée en 2001 avec Catwoman qui mourrait ou se faisait passer pour morte, je ne sais pas trop puisque je n'ai absolument pas lu ces histoires. Mais c'est dans cette période où on croit Catwoman morte que Brubaker et Darwyn Cooke lancent dans les back-up de Detective Comics (des histoires de complément en fin de numéros) une histoire où le détective Slam Bradley part enquêter pour retrouver Selina Kyle (l'identité civile de Catwoman). C'est le prélude de leur run sur l'héroïne, et il ouvre ce premier tome de la série.


Le héros de ces back-up est Slam Bradley, un perso qui vient du golden age des comics, qui a carrément fait ses débuts dans le premier numéro de Detective Comics en 37. Et de ce qu'on peut trouver comme infos, il avait l'air d'être, depuis ses débuts, un détective privé un peu bourrin, évoluant dans une ambiance très pulp. Brubaker et Cooke l'utilisent alors évidemment dans un hommage aux films noirs et aux polars hardboiled, un genre dans lequel ils excellent tous les deux. On a donc un détective bourru et désabusé, des mafieux, des policiers corrompus, de grandes ombres noires, une ville gothique et bien entendu Selina Kyle en mystérieuse femme fatale à retrouver, qui obsède de plus en plus notre anti-héros... C'est un pastiche génial et on se régale. C'est assez parfait comme entrée en matière.


Après ça, c'est donc la série Catwoman de 2002 qui démarre. L'idée est d'offrir un nouveau départ à Catwoman donc c'est parfaitement accessible pour n'importe quel lecteur et pour découvrir le perso (surtout qu'Urban propose une présentation des personnages et de l'héroïne en début d'album pour mettre tout le monde à la page). On a le nouveau costume hyper iconique et hyper réussi de Darwyn Cooke et une petite histoire très sympa, toujours dans une ambiance un peu polar noir, où Catwoman enquête sur un mystérieux tueur de prostituées, surtout qu'elle a pas mal de connaissances dans ce milieu vu que Miller n'avait pas pu s'empêcher de faire de Selina une prostituée dans Year One. D'ailleurs l'un des propos de l'arc et de ce début de run est de prendre en compte les multiples aspects de la vie de Selina, que ce soit ses années dans les quartiers chauds, son passé criminel mais aussi le fait qu'elle ait pu évoluer dans la haute société de Gotham ou encore son flirt avec Batman.


Ce premier arc est vraiment là pour poser les bases, donc il est assez basique en terme d'intrigue mais l'ambiance est un régal et c'est bien entendu sublime graphiquement. Le regretté Darwyn Cooke est la véritable star de ses numéros, avec son style assez unique au sein des comics de super héros. C'est bien simple, l'artiste, associé aux couleurs de Matt Hollingsworth (qui a aussi fait, dans le même style, les couleurs du Hawkeye de Fraction et Aja, ça ne s'invente pas), fait de véritables prouesses. Ces planches sont tous bonnement superbes, derrière leur petit gaufrier sage et leur style cartoony. La simplification des personnages est géniale, renvoyant tout de suite aux séries d'animation de Bruce Timm, avec des personnages qui ont de bonnes gueules, une catwoman un peu sexy mais jamais vulgaire et un encrage gras sublime avec des masses de noirs biens placées.


Mais si il n'y avait que ça, il y a aussi et surtout sa narration ultra maîtrisée ! C'est clair, lisible, inventif, cinématographique tout en utilisant les possibilités uniques de la BD... La double page où Catwoman saute sur le métro de Gotham est juste une grosse claque et montre tout le niveau de maitrise du dessinateur ! Je ne sais pas si c'est les romans graphiques indé de l'époque, l'influence grandissante des mangas ou le fait que Cooke ait bossé avant dans l'animation, mais on sent une vraie volonté d'inventivité narrative et visuelle. Bref, c'est vraiment beau ! Et avec les couleurs de Hollingsworth, maître des ambiances en aplats, c'est juste un régal pour les yeux.


A noter que Mike Allred participe aussi aux dessins, mais je suis incapable de savoir quelles pages il a fait exactement. Sur cette série il semble avoir tout fait pour mêler son style avec celui de Cooke et il n'y a jamais de cassure graphique. C'est vraiment impressionnant et quelque chose d'extrêmement rare en comics quand y a plusieurs dessinateurs sur un numéro. Surtout qu'Allred est habituellement connu pour son style graphique complètement unique et immédiatement reconnaissable.


A la fin de l'album on a des petites histoires bonus qui viennent du Catwoman Secret Files sorti à l'époque. Les Secret Files étaient des numéros qui mélangeaient des pages de profil des personnages à l'instar de ce qu'on peut trouver aujourd'hui sur DC Database avec des petits récits inédits. On en a donc un où différents personnages racontent quelle facette de Catwoman ils ont croisés, avec les aspects contradictoires que ça peut avoir et on a un autre récit court, de 2 pages, beaucoup plus humoristique mais que j'ai beaucoup apprécié, qui est complètement méta et qui se fout de la gueule des fans de comics tatillons sur la continuité (ce que je suis pourtant, et mine de rien ça souligne des défauts qui sont toujours là 20 ans plus tard)


Bref c'était un plaisir à relire (je l'avais déjà lu en 2013, d'ailleurs j'utilise des bouts de ce que j'avais écrit à l'époque dans cette critique) et c'est vraiment un récit à lire. C'est sublime graphiquement, Brubaker est loin d'être manchot au scénario et l'ambiance polar noir/hard-boiled est géniale.

arnonaud
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le 16 mars 2023

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