Tillie Walden fait clairement partie de cette nouvelle génération de dessinatrices de bande-dessinée, appartenant au mouvement féministe et LGBTQ. Elle a reçu en 2018 le prix Eisner de la Meilleure Œuvre inspirée de réalité (à seulement 22 ans quand même…) pour sa BD autobiographique Spinning. Elle y racontait son parcours en tant que lesbienne dans le patinage artistique. Rien d’étonnant donc à retrouver cet aspect queer dans Dans un rayon de soleil, qui est tout d’abord paru épisodiquement sur internet.
On suit dans ce roman graphique la jeune Mia, fraîchement embarquée dans un vaisseau qui a pour mission de rénover des bâtiments anciens (et oubliés) du cosmos avec un équipage exclusivement féminin. Tout en se liant d’amitié avec ces jeunes femmes, elle se remémore ses souvenirs de collège où elle entretenait une amitié amoureuse avec sa camarade Grace. Car oui, Tillie Walden se réapproprie les codes de la science-fiction en y imposant son regard féministe et queer. Dans l’univers de Mia, il n’y a pas d’hommes et les femmes sont toutes lesbiennes. Et le plus étonnant, c’est que cette absence n’est jamais questionnée, ce n’est absolument pas le cœur du récit.
En plus de cela, Tillie Walden a balayé toute vraisemblance avec la réalité en injectant dans son récit une bonne dose d’onirisme. Le lecteur ne sera donc pas étonné de voir des chats géants, des vaisseaux en forme de poissons, des planètes improbables et de constater que les personnages peuvent parfaitement respirer et vivre dans l’espace (jusque sur Jupiter !).
La taille de ce roman graphique pourrait en effrayer certains mais à aucun moment le récit ne perd son souffle. C’est extrêmement prenant et ça se lit d’une traite. Les flash-backs et l’intrigue principale se mélangent parfaitement.
Dans un rayon de soleil fonctionne étrangement comme un manga shôjo, dans sa narration et ses personnages. Que ce soit dans les flash backs, les relations entre les personnages mais aussi la manière avec laquelle Tillie Walden entretient le mystère sur le passé d’Ellie et Grace, tout m’a fait rappeler ce que j’adorais dans ce type de manga.
Malgré son aspect brouillon, j’ai beaucoup aimé les dessins et certaines pleines pages sont très réussies. Les couleurs (dans des bleus gris et rouge rosé) sont bien choisies et appuient cet aspect étrange et merveilleux. Les personnages sont malheureusement un peu raides parfois et leurs réactions pas suffisamment justes mais malgré ces quelques erreurs, on s’y attache très vite.
Je vous encourage vivement à découvrir ce roman graphique, très original dans sa forme et son histoire. Il fait sans aucun doute partie de ces œuvres marquantes qui imposent une plus juste représentativité dans le monde de la bande dessinée qui a encore pas mal de progrès à faire…