Véritable renaissance du personnage, comme l'avait fait dans son temps Frank Miller, le run de Bendis est un arc monstrueux, qu'on peut diviser véritablement en deux grandes parties: la révélation de l'identité de Daredevil et les conséquences qui vont en découler.
Le premier tome a presque un côté tragédie shakesperienne avec une lutte fratricide au sein même de la famille du Kingpin, avec sa femme et son fils. Il est beaucoup question de ça d'ailleurs, sorte de contrepoids à un Daredevil qui doit lutter seul pour s'en sortir. Et pas seulement face aux ennemis qu'il affronte type Bullseye mais également un système immoral, que ce soit les flics, les organes de presses, la justice. On assiste même à un procès qui renvoie directement à la situation de Matt Murdock et qui conclue le premier tome.
Le deuxième tome est d'ailleurs trompeur: on pense avoir droit à une accalmie puisque notre héros à cornes rencontre une jeune femme et tombe amoureux d'elle, mais il est trop tard. On assiste à une descente aux enfers avec un Daredevil mégalomane qui se proclame roi de Hell's Kitchen suite à un combat dantesque avec son ennemi de toujours. Il faudra que Matt Murdoch prenne lui même conscience de son état pour que sa folie de pouvoir s'arrête.
Car ce troisième et dernier tome est une sorte de miroir pour le personnage: est-ce que finalement cette morale qu'il incarne, à la fois en tant qu'avocat et justicier de la nuit, est toujours valable quand on prétend être le caid d'un quartier? Est-ce qu'au fond il ne l'a pas trahi en adoptant un comportement équivalent de ceux qu'ils combattaient jadis?
L'histoire intitulée "Je suis ton dieu" est d'ailleurs une idée géniale de scénario: un groupe de discussion s'est réunie à l'Eglise pour débattre de Daredevil et de son influence sur Hell's Kitchen.
La fin du run est magistrale, que ce soit la construction truffée de rebondissements, ou bien encore le dessin de Maleev, prodigieux du début à la fin et arrivant parfaitement à retranscrire le caractère poisseux et malfaisant de Hell's Kitchen.
SPOILER ALERT!
Je spoil un peu mais la fin me rappelle celle d'un film de Spike Lee, The 25th Hour, qui raconte les 24 heures restantes d'Edward Norton avant de rentrer en prison. Son père le conduit le jour J et imagine alors un autre choix: celui de fuir et rêver ainsi à une autre vie. On assiste à la même chose avec Murdoch choisissant de quitter le tribunal (dans ce fantasme on a ATTENTION BIG SPOILER....Philippe et Philippe d'Arkham !?!?), mais se rendant compte de l'inutilité de cet acte.
Du coup on reste avec une fin cliffhanger qui va m'obliger à me tourner vers le run de Brubaker. Mais bon quand on aime, on ne compte pas.
Bref, cet arc est une tuerie absolue.