Voir Tree of Life et mourir...
Regarder Tree of Life s'apparente à un acte de foi, qui induit qu'il peut exister un miracle en 2011, dans une époque balayée par la vulgarité des images, par l'obscénité véhiculée par le monde contemporain.
Durant 2h18, nous sommes ébahis, émus, terrassés par la beauté des plans, écrasés par la simple idée du travail qu'a du effectuer Malick, un peu comme si nous nous retrouvions d'un coup devant les fresques de Michel Ange au sein de la Chapelle Sixtine. Les multiples idées de mise en scènes, le travail sur le son, la lumière, le jeu de l'ensemble du casting est un émerveillement, on se pince en se demandant si ce que l'on voit à l'écran est réel ou le fruit de notre imagination. Les plans sont hallucinants, inouïes, stupéfiants, que dire...
Tree of Life parle de notre place dans l'existence, de l'origine du monde : pourquoi sommes nous là ? Qu'est-ce qui nous définit en tant qu'être humain ? Pour cela, Malick prend le cas d'une famille typique des années 50 : un père (Brad Pitt, bluffant) autoritaire, une mère (Jessica Chastain, incroyable de justesse) en symbiose avec ses enfants, et ces derniers qui doivent à la fois obéir et transgresser les règles pour se bâtir leur propre vie. Il s'agit de trouver sa place au sein même du modèle familial : quel père dois-je être? Est-ce qu'en tant que mère je dois être en symbiose avec mes enfants, au risque de les voir se détourner ? Est-ce que mon frère est un ennemi ou au contraire un allié ? Toutes ces questions sont abordés avec une telle justesse, une telle simplicité que le film en devient désarmant, tant il touche au plus profond de nos âmes.
Car le choix des nombreuses contre plongées n'est pas un hasard : le questionnement perpétuel est ramené systématiquement au ciel, on se tourne vers une entitée (ici Dieu) dont on pense qu'elle apportera les réponses, d'où d'un seul coup le basculement vers la Creation pour parvenir à chercher un sens, un début d'explication. Malick ne cesse de montrer, comme dans toute son œuvre, le rapport fusionnel entre la nature et l'homme, impliquant qu'il faut sans cesse revenir aux origines pour se ressourcer, sentir que nous sommes vivants.
C'est la raison aussi du côté proustien du film : pour trouver le chemin, Sean Penn se remémore les jours heureux comme les jours sombres, tentant de comprendre les raisons qui le poussent à la fois à cette présence du frère mort et à la peur de l'oubli. Pour cela, il doit revivre intensément chaque moment, les plans furtifs, les bêtises en guise d'apprentissage de la vie, l'affrontement avec un père qui ne l'aime pas et dont il souhaite la mort, sa mère si belle et pure qui lui a donné plus d'amour qu'il ne l'aurait mérité, et ce frère qu'il a jalousé et qui pourtant était le seul à le comprendre.
C'est là que tout se rejoint lors de la dernière partie du film : ce qui nous définit, notre relation à l'autre c'est le pardon. Il est vécu comme une libération pour le personnage de Sean Penn, trouvant enfin sa place dans un monde aussi compliqué que le nôtre. Son errance s'achève avec la réunion de ses proches, comme un dernier au revoir à une mère figée à tout jamais dans une splendeur divine, un père brisant sa carapace pour laisser paraître ses émotions, et l'image éternelle de son frère jeune.
L'une, si ce n'est la plus grande expérience de ma vie de spectateur.
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