Auréolé d'une réputation de petit classique oublié, la saga Fall from Grace avait tout pour m'intriguer : peu rééditée mais souvent citée dans les périodes intéressantes du personnage ; issue d'une période ambivalente pour les super-slips où le plutôt bon pouvait côtoyer l’horriblement nul, mais pour laquelle j'éprouve toujours une sympathie liée à ma découverte du média (ah, la saga du Clone...) ; célèbre pour le changement radical de costume de son héros ; portée par une équipe créative quasi-inconnue pour moi ; magnifiée par l'illustration design de Daredevil, minuscule tâche rouge ressortant sur le fond d'un blanc immaculé, plongeant du haut du Chrysler Building.
C'est donc avec quelques attentes que j'ai entamé la lecture.
Et j'en ressors franchement déçu. La saga n'est pas dénuée de qualités, mais rien ne fonctionne. Le dessin, par exemple, est singulier, jouant au maximum sur les jeux d'ombres, mais les couleurs ne semblent pas coller, et sont parfois très laides. Résultat : on ne comprend souvent pas ce qui se passe, et la profusion de petites bulles que l'on croirait parfois disposées au petit bonheur rend le tout franchement pénible à lire.
Le scénario est sans doute le pire de ce que l'on peut faire dans le genre : dans un sérieux papal cherchant à exploiter la veine des runs de Franck Miller, Chichester dégueule un galimatias improbable mêlant conspiration gouvernementale, SHIELD, ninjas, télépathes, occultisme, guest-stars complètement absurdes (l'apparition de Venom reste un mystère), poison, clodos, révélation de l'identité de DareMurdock, et encore un peu de ninjas s'il vous en reste merci. OK, on est dans du super-slip. Mais quand la lecture est si pénible, difficile d'apprécier le nawak ambiant. Seul le retour d'Elektra est plutôt bien fichu, mais encore faut-il savoir lire entre les lignes pour comprendre ce qu'il se passe dans tout ce bordel.
Au-delà de ce scénario surgonflé aux hormones, c'est surtout la narration qui pêche. Exemple le plus frappant : les cliffhangers de fin d'épisode ne sont jamais repris au début de l'épisode suivant. Résultat, j'ai du vérifier qu'il n'y avait pas d'épisodes intermédiaires pour faire le lien... Les ellipses sont parfois absurdes, mettant en danger la patience du lecteur. Clairement, Chichester n'est pas Morrison.
Le pire dans tout ça ? On nous promettait une nouvelle chute dans la noirceur pour Matt Murdock. En fait il a juste du boulot en retard au cabinet et Foggy est pas content. Ouais.
Une saga aberrante donc, dont la réputation est sans doute magnifiée par les quelques nostalgiques de l'époque (tout comme moi j'aime bien Maximum Carnage par exemple)
Fall from Grace n'est pas la seule saga contenue dans ce pavé (au passage, quelle super collection que les Marvel Epic !). On y retrouve également Tree of knowledge, toujours de Chichester / McDaniel, qui prend la suite immédiate de FFG, et qui, si elle s'avère plus compréhensible, est tout aussi brouillonne. On y parle d'internet et de cyber-terroristes. Mais on est en 1994. Les ennemis font peine à voir, et quelques guest-stars apparaissent encore en dépit du bon sens (Gambit ? Vraiment ? Pourquoi pas Cable, tiens ?). Un passage marrant quand même : les visions opposées de Cap'Am et de Daredevil quant à l'utilisation future que feront les familles américaines de leur connexion 56k.
Encore une fois c'est la relation entre DD, qui fait passer son alter-ego Murdock pour mort, Elektra et Karen Page (militante anti-porno, plutôt une bonne idée) qui fait l'intérêt de la chose, mais évidemment on passe plus de temps à suivre les molles péripéties du héros et de ses compagnons d'infortune qu'à approfondir la psyché de Murdock et du supporting cast.
Ah et l'armure vous me demanderez ? Elle est pas trop moche mais elle ne sert absolument à rien, n'est à aucun moment exploitée. Sans doute que le lycra était has-been à cette époque de gros flingues. De toute façon tous les héros ont eu droit à un lifting éphémère à l'époque alors pourquoi pas DD ?