Dark Meat City c’est une ville californienne entre Los Angeles et Ciudad de Juarez, une mégapole immense, tentaculaire, qui vit de misère et de violence, et dans laquelle plus de six cents gangs tiennent les quartiers. Lino, petite tête ronde et noire, y nourrit les cafards dans l’appartement minable et dégueulasse qu’il partage avec Vinz, crâne en feu façon Ghost Rider. Après un accident de scooter suivi d’un violent mal de crâne, Lino commence de voir des ombres inquiétantes un peu partout. C’est le début d’une série d’événement étranges qui poussent les deux colocataires à fuir, bientôt recherchés par toutes les autorités du pays.
Culture mexico-californienne, catch et gangs, clins d’œil populaires de The Twilight Zone à Men In Black, hip-hop, graffs et armes lourdes, humour et pouvoirs hors normes, complot et manipulations politiques, extraterrestres discrets, Mutafukaz est un mélange explosif, l’aboutissement d’un melting-pot mondialisé, un pur bonheur de divertissement !
Scénario sans pression mais toujours en mouvement dans les prémices d’un grand ensemble à venir, et dessins superbes. Si le récit entraîne le lecteur c’est grâce au montage intelligent de scènes anodines qui virent à la catastrophe en un souffle, renforcé graphiquement par un impressionnant travail. Le trait est appliqué et le plaisir multiplié par l’alternance et le mélange de styles, les portraits fins et détaillés des deux héros à la télévision ou cette longue séquence d’assaut noir et blanc et rouge, magnifique de dynamisme, efficace, emportée et précise. L’ensemble est construit façon comics, publicités incluses, et se lit en écoutant un bon album de Cypress Hill. Se dévore même, grâce à une préface passionnante, une courte postface et un cahier graphique dense en fin de volume, qui vient préciser les inspirations et les formes de l’univers de Dark Meat City. Plus quelques fanarts d’amis.
Un ouvrage comme un petit bijou populaire, agréable et dense.
Matthieu Marsan-Bacheré