Toujours dans les mauvais coups, Fabien Nury entraîne Sylvain Vallée dans le Katanga des diamants sa

Chronique à lire avec extraits et inédits sur : https://branchesculture.com/2017/03/07/katanga-bd-diamants-aventure-mercrenaire-nury-vallee-violence/


À peine remis d’une incursion dans la Guyane fantasmée et cauchemardesque des orpailleurs sans pitié (une série écrite pour Canal + qui a eu un succès honorable), Fabien Nury ne lâche pas son dada qu’il chevauche depuis un bon moment : la fascination des hommes pour ce qui brille et ce qui rapporte gros, quelle que soit l’époque dans laquelle cette quête féroce prend place. Et d’un horizon à l’autre, voilà que l’as des as entraîne son complice d’Il était une fois en France, Sylvain Vallée, dans l’intranquillité de la bouche d’un Katanga violent et sanguinaire. Tout ce que nous aimons, en fait !


Résumé de l’éditeur : En 1960, après quatre-vingts ans passés sous la domination coloniale belge, le Congo proclame son indépendance ; moins de deux semaines après, la riche province minière du Katanga fait sécession. Le Congo et le Katanga entrent immédiatement en guerre ; au coeur du conflit : la possession des territoires miniers. De nombreux massacres et exodes de civils s’ensuivent. L’ONU impose alors sa médiation et l’envoi de Casques bleus sur place… Dans le même temps, une horde d’ignobles mercenaires est recrutée pour aller libérer les exploitations minières occupées… Et un domestique noir, Charlie, tord le cou au destin en mettant la main sur un trésor inestimable : 30 millions de dollars de diamants… ce qui fait de lui le Noir le plus recherché du Katanga.


Lingots, pépites ou diamants, c’est comme si tous avaient attendu sagement leur heure, en sûreté dans leur cachette, que Fabien Nury vienne les saisir avec maestria. Remarquez, quand il s’agit de donner vie et brillant à ces casses de papier, Sylvain Vallée est fortiche aussi, sur tous les plans et dans tous les décors. Ou comment passer des heures sombres de la France à celles que d’aucuns pensaient être les plus lumineuses de l’Histoire (avec un grand H) du Congo, après des lustres sous le joug européen, comme jardin des rois belges. C’était sans compter le revers de la médaille.


Mais ce serait se méprendre que de croire que l’histoire commence là. Non, elle commence quelques décennies auparavant, dans les prémisses de la deuxième partie du XIXème siècle. À l’origine de la violence en compagne de Msiri, parfait exemple du self-made man, répudié par sa tribu mais forgeant sa vengeance dans la fièvre, le sang et le sexe au coeur de son harem de 1200 femmes. Sans compter les richesses accumulées. Msiri, premier mercenaire et fier de l’être dont l’engeance s’est répandue comme une traînée de poudre, jusqu’à ces fatidiques mois d’après-indépendance.


Après un prologue accumulant les images fortes et imbibant les esprits; Nury et Vallée, tels un tandem de malfrats bien rodé (ce qu’ils sont puisque Katanga est leur septième album commun), nous mettent tout de suite dans le jus, quelques jours après l’indépendance du Congo, en plein dans la sécession du Katanga. Une première course-poursuite bien funeste, des tractations en haut-lieu et pourtant bien secrètes et puis la formation d’une équipe de choc pour se mettre en piste et trouver le magot dont le montant ferait tourner la tête à bien des hommes.


Et ces hommes-là, réunis malgré leurs différences, ne sont pas des tendres : des « vieux copains » mais aussi un malabar ancien SS, un assassin pur et simple, un fils à maman dont la naturelle distinction est vite oubliée quand il joue du lance-flamme, sans oublier l’aviateur chevronné et un peu fêlé. À la présentation de ce team de feu, on ne peut s’empêcher de sourire et de repenser à notre dernière rencontre avec le gangster par excellence de la bd franco-belge. En rigolant, il nous avait dit qu’il préparait une suite au tonitruant Comment faire fortune en juin 40 et qu’il pourrait décliner cette thématique dans divers lieux et époques historiques. Ce n’était pas si bête car Katanga cultive les relents de ce parfum d’aventure tragico-comique et cette idée d’Expendables de BD beaucoup plus intelligents et attachants que ceux du grand écran.


Et même si c’est un peu reparti comme en 40, on pense aussi, tous azimuts, aux films noirs avec des Lino Ventura et de sacrées bouilles de truands, au Looping de l’Agence tout risque ou à Une affaire d’État du trop rare Éric Valette. Fabien Nury aime à montrer qu’il ne s’est pas fait sans un sérieux bagage culturel mais aussi documentaire. Même si le ton est résolument à la fiction, Fabien Nury décrit cet album comme « aussi inoffensif qu’une carte postale de vacances » au regard de ce qu’il a lu et vu. Il y a quelques clins d’oeil, mais le scénariste s’en émancipe très vite pour imposer sa patte et sa frappe, ne laissant rien au hasard et provoquant les explosions. Si certains scénaristes sont vus comme des limousines de la BD, Fabien Nury en serait plutôt la puissance de feu.


D’autant plus que Sylvain Vallée est on ne peut plus affûté sous les couleurs infernales de Jean Bastide. Se servant du cocktail de feu de son acolyte, Sylvain Vallée épate encore une fois la galerie, à tombeau ouvert et avec un découpage qui ne laisse aucun répit au lecteur. Promenant ses personnages semi-réalistes (et avec des gouailles d’enfer) dans un Katanga intense et venimeux, on est bien en peine de dire où ce périple jusqu’au bout du carnage s’arrêtera. Lourd et brutal, caustique et comique (un peu), ce premier tome (d’un diptyque, apparemment) est un jeu (de massacre) qui en vaut la chandelle. Et pour Nury-Vallée, c’est reparti pour la gloire, la dure, la vraie.

Créée

le 13 mars 2017

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