Marc-Antoine Mathieu nous revient en 2009 avec une œuvre pour le moins surprenante : Dieu en Personne. Il est un moment, dans la vie de tout grand artiste, où il doit se confronter à la question "Dieu". Pour MAM, ça semble être arrivé.
Il imagine alors la possibilité que Dieu apparaisse, dans un futur relativement proche. On a alors un Dieu qui apparaît, mais qui n'agit pas. Pas de miracle, de cataclysme. Juste un mec qui dit "Je suis Dieu" et qui, par ses capacités cognitives semble bel et bien directement relié à l'essence du monde. Un Dieu qui parle mais qui n'agit pas, un Dieu simple en sommes.
Au début surprise, l'humanité se reprend vite en main et s'adapte un petit peu à cette nouvelle présence sans que, structurellement, elle en soit changée pour autant. Puis, il arrive un grand problème. Beaucoup d'humains décident d'attaquer Dieu en justice. Dieu doit alors se défendre, lors d'un gigantesque procès.
Dieu en Personne se concentre principalement sur ce dit procès.
Globalement, l'histoire peut être vu selon 3 grands points de vue qui se succèdent. Le premier et le plus évident est l'importance du système de consommation et de communication qui s'est développé au fil du siècle dernier. Même Dieu a besoin de communiquer, l'important, même pour lui, devient non plus l'agir, mais le paraître. Dieu reste Dieu, il reste principale existence pure, mais pour autant, il doit contrôler son image pour ne pas être condamné lors de ce fameux procès. Dieu devient aussi une marque, une image, il est alors utilisé pour la construction et la fabrication de produit dérivé. On a là une belle critique de la société de consommation bien qu'elle soit peut être un peu facile, voir indigeste par passage. Cependant, ça touche juste.
Le procès, ensuite, représente une grande partie de l'histoire et n'est qu'une excuse pour être bourré de réflexion théologiques et métaphysiques toutes plus puissantes les unes que les autres. On a, d'une certaine façon, le droit à un vaste résumé de la question de l'existence de Dieu et des débats qui en ont découlé. Le tout sous une forme des plus plaisantes. Clairement certains passages peuvent être difficiles à comprendre pour les néophytes mais c'est véritablement intéressant.
C'est justement pour aider ceux qui ne seraient pas préparés au jargon métaphysique que l'on peut voir ce livre comme une réflexion du commun sur Dieu. Des petites phrases simples, des petites notions simples, mais pleines de bon sens et pas dénué de puissance, c'est le moins que l'on puisse dire.
Cette BD offre donc une réflexion puissante, un sujet des plus intéressants et des nuances qui plairont à tous les lecteurs. Pour autant tout n'est pas gagné, notamment à cause du rythme narratif. En effet, si la première partie coule toute seule, à partir du procès ça commence à ralentir et ça devient même légèrement rugueux en avançant. A tel point qu'en comparant au début, on peut trouver ça carrément lourd même. Du coup, le lecteur peut se lasser. Pour peu qu'il trouve l'intérêt des réflexions métaphysiques totalement nul, il va s'ennuyer ferme.
L'histoire avance sous la forme d'interview de différents protagonistes, entrecoupé de l'évolution normale de la "vie" de Dieu. Mais avec son procès on a le sentiment de ne voir qu'une succession de remarques de différents protagonistes qu'on ne reverra pas. La seule constante du récit reste donc Dieu.
A côté de ça, la BD a heureusement un très beau graphisme. C'est vraiment soigné, profond. On rentre directement dans le sérieux sans pour autant tomber dans le "faux". On est pas dans du réalisme, mais dans du ressenti. On est pas dans l'iconique pour autant. La BD est très soignée sur ce plan là.
De la même façon, les couleurs (noirs, blancs, gris, marrons) amène un côté sombre, sérieux au récit et pourtant, rapidement on voit des pointes d'humours. Le côté sérieux ne veut pas dire qu'on est déprimé, simplement que la question théologique est pour le moins importante, car elle est celle à laquelle tout humain doit se confronter.
On notera aussi des cadrages très intéressants pour certaines scènes. On ressent ainsi le côté grandiloquent du procès (oser juger Dieu) ainsi que la foule en extérieur. On comprend vraiment bien les ressentis et on est projeté dans l'histoire grâce à cela.
On regrettera cependant une mise en page académique et n'osant pas faire preuve de fantaisie, le sujet s'y prêté cependant.
Marc-Antoine Mathieu offre une BD grandiose avec Dieu en Personne. Quelques petites imperfections empêchent de réaliser le chef d'oeuvre que ça aurait pu être, entrainant, de ce fait de gros regrets chez ses lecteurs. Cependant, soyons objectif : Dieu en Personne est une réussite.