Dans la prometteuse lignée de leurs précédentes collaborations pour Doggy Bags, Jérémie Gasparutto et Francesco Giugiaro livrent ici un excellent one-shot, dense autant qu'intense, fond de fantastique mesuré sur sordide contemporain, 


une éprouvante plongée dans les terreurs de la fiction pour porter la lumière sur l'horreur des destins de milliers d'enfants soldats,



enrôlés malgré eux dans des conflits enragés et fratricides, aux fonds d'abîmes desquels ils ne s'extirpent plus jamais.


Un enfant court. Fuit un immense alligator, démesuré, monstrueux, à travers la jungle africaine. Il ne s'extirpe de ce cauchemar que pour nous raconter son sombre destin d'enfant soldat, recruté par une milice génocidaire nourrie de drogue et de mysticisme bestial. L'enfant n'a d'autre instinct que de se protéger, se soumet. Assassine, brûle les corps, traîne ses trophées, tel cet ours en peluche qui lui vaut son surnom de Teddy Bear. Drogué, désorienté, 


l'enfant sous le soleil disparaît derrière le soldat.



Pourtant, la nuit venue, sa conscience implore, menace, tremble et gronde sa bile, ses relents d'infamies.
Bientôt l'ourson parle. Cherche à l'éloigner. À l'enfuir afin de lui épargner cette existence d'angoisses.
Bientôt l'enfant fuit.
Il ne pourra jamais s'absoudre des culpabilités qui le hantent et le rongent.


Retrouver le dessin nerveux de Jérémie Gasparutto, les traits fins, vifs et cassants d'un style si particulier, est un plaisir confortable, familier. Les couleurs ne rayonnent jamais, il y a comme 


une retenue du réel sous la volonté des violences



illustrées en teintes sombres. Aucune échappatoire, les nuits sont denses, les rouges sont éteints où le sang semble sec, les frissons parcourent le poids des luminosités sans éclat.


Le format en one shot dense n'empêche pas les pages de fausses pubs et de vraies informations disséminées, le recul graphique et l'enrichissement géopolitique : on y apprend les dessous des manipulations que ces gourous de guerres appliquent à leurs proies, formation en mysticisme sous drogues, exactions répétées jusqu'à l'intégration aveugle, jusqu'à la déshumanisation. Puis la réhabilitation, impossible. 


L'extinction définitive des rêves sous l'afflux irrépressible des cauchemars.


Critique lue 241 fois

D'autres avis sur DoggyBags One Shot : Teddy Bear

DoggyBags One Shot : Teddy Bear
Mawelle
7

Enfants soldats

Doggybags, c'est LA collection phare du "Label 619" des édition Ankama qui mélange généreusement le fantastique, la SF, les faits historiques, politiques et surtout, surtout...le trash. Ces nouvelles...

le 22 avr. 2018

4 j'aime

DoggyBags One Shot : Teddy Bear
Ben-Hardo
9

One-shot d'enfer

Franchement, je n'étais pas prêt ! Me voilà arrivant tout pimpant, prêt à profiter d'un petit moment de lecture et là... arrgh le dégoût total ! c'est trash, c'est horrifique, c'est horrible... tout...

le 19 oct. 2023

2 j'aime

2

DoggyBags One Shot : Teddy Bear
FungiLumini
7

Enfants-soldats

Un comics assez trash sur la thématique des enfants soldats en Afrique. Le sujet, très dur, est traité de façon assez originale et percutante. On suit Odrissa de son enlèvement jusqu'à la fin de son...

le 6 mai 2018

1 j'aime

Du même critique

Gervaise
Matthieu_Marsan-Bach
6

L'Assommée

Adapté de L’Assommoir d’Émile Zola, ce film de René Clément s’éloigne du sujet principal de l’œuvre, l’alcool et ses ravages sur le monde ouvrier, pour se consacrer au destin de Gervaise, miséreuse...

le 26 nov. 2015

7 j'aime

1