Si l'on retrouve avec plaisir l'héroïne vampirique créée par Céline Tran dans ce DoggyBags Presente au cours de trois nouvelles histoires, on regrette la décontextualisation brute à laquelle la collection ne nous a pas habitués : pas de bonus, pas d'informations complémentaires autour des univers et des mythes abordés, pas de second degré déployé en quelques publicités factices. Alors certes,
le plaisir de narrations expéditives teintées de gore
et remontées de twists inattendus est encore là, bien présent et prenant, haletant même à certains moments, et le dessin, dans l'ensemble, est séduisant, mais il y manque ce petit quelque chose qui nous séduit chez DoggyBags, ce contexte d'intelligence et de culture...
HeartBreaker se décline là en trois histoires laissées à trois scénaristes et à trois illustrateurs.
Hasteda ouvre, Sourya dessine, c'est Blood Tells No Tales ou bon sang ne saurait mentir : une quête mystique du graal, ou les vampires du Vatican cherchent avec une ardeur particulière ce flacon de sang du Christ que l'héroïne a dérobé à sa dernière victime. Si le trait de Sourya semble un choix étrange pour une héroïne aussi tranchante, l'artiste sait jouer des atmosphère et d'un découpage équilibré pour nous emmener au fil rouge de cette aventure qui mêle
vengeance et avidité dans un chassé-croisé haletant.
Assurément, Hasteda a saisi l'esprit du personnage pour développer un polar sanguin sous la coupe des puissants cachés derrière les vieilles pierres du Saint-Siège. Et l'ouverture se fait poisseuse autant que prenante.
Run enchaîne et convie Chariospirale à l'illustration. Bad Blood nous transporte là où Run se sent à l'aise : dans les rues dangereuses des ghettos de Los Angeles où les gangs sévissent et tiennent les différents trafics qui alimentent
la déchéance de populations jetables.
Finies les drogues classiques, les toxicos livides qui se pressent aux rendez-vous des dealers s'y abreuvent de poches de sang volées aux hôpitaux de la ville. Et développent d'étranges comportements. Chariospirale a le trait brouillon et caricatural qui joue de la démesure et de l'irrégularité, on pense par moments à Robert Crumb. Les ambiances pèsent sur le récit avec minutie et les portraits laissent étinceler les dentitions voraces de pauvres victimes décharnées et déshumanisées avec soin. Peut-être l'épisode le plus brut et le plus violent du volume pour raconter les manipulations génocidaires des puissants de ce monde volé aux peuples.
Céline Tran garde la main sur le final avec Blood Lust, mis en cases par Maria Llovet. Où HeartBreaker retrouve la trace de Karl et court après sa vengeance au sein d'un club privé : à l'image du labyrinthe de miroirs qu'elle traverse pour l'atteindre, ce sont bien
les impasses de la rédemption
qui sont ici illustrées sous le trait gras et grossier de Maria Llovet. Loin des influences comics ou manga, on se retrouve ici dans de la pure bande-dessinée franco-belge, autant dans le dessin que dans le découpage ultra classique, et la fin du volume y perd en intensité.
Pour autant, l'héroïne tient le lecteur sur le fil du sabre.
Un DoggyBags Présente un cran au-dessous des meilleures tartines de la collection et qui ne se sauve là qu'avec
le plaisir charnel des retrouvailles
avec Céline Tran et sa belle vengeresse des opprimés : HeartBreaker nous promène dans les bas-fonds de la cité des anges, où la coupe des puissants assèche l'avenir des populations, et nous y venge des cupidités sordides qui régissent le monde, à coups de katana.
Le sang coule sans coaguler, et nous nous y abreuvons d'espoir autant que d'évidentes déceptions.