Don Vega est un album qui m’avait intrigué dès le premier regard porté sur sa couverture. Cette silhouette noire de justicier masqué sur son destrier galopant sur un fond orange avait naturellement éveillé ma curiosité. En effet, elle avait fait surgir de lointains souvenirs, Zorro étant le héros légendaire de mon enfance. De plus le fait que Pierre Alary soit en charge à la fois du scénario et du dessin était une agréable nouvelle. En effet, j’ai eu déjà eu l’occasion d’apprécier son travail au cours de précédentes lectures…
L’histoire est précédée d’une page intitulée « État des Lieux ». On y apprend que l’intrigue se déroule en Californie au milieu du dix-neuvième siècle. Un groupe de notables sous la direction de Gomez cherche à s’approprier le territoire local avant la ratification de la constitution locale. Leur quête se déroule dans un climat de terreur qui ne laissera pas indifférent un certain Don Vega, héritier d’un célèbre justicier masqué…
L’histoire se construit d’abord autour du personnage de Gomez, grand méchant de l’histoire. Il est un notable à l’ambition démesurée et au sens des valeurs discutables. Il est prêt à user de tous les moyens pour mener à bien son projet. Toute personne freinant sa progression est un obstacle qu’il écrase sans regret. Son homme de main, Borrow, s’inscrit parfaitement dans cette lignée idéologique tant il semble prendre plaisir à pendre les réfractaires. Ce n’est qu’au bout de quelques pages que ces tyrans voient l’opposition à leur politique prendre les traits du célèbre Zorro. Cette nouvelle version du héros s’appuie fortement sur son image de justicier qui jaillit dans la nuit tant sa vie civile occupe une faible place dans l’intrigue. Ce choix narratif génère une aura mystérieuse au personnage qui est joliment mise en valeur par les dessins et les couleurs.
Comme le veut la mythologie de Zorro, la trame s’inscrit en Californie il y a plus de cent cinquante ans. L’atmosphère qui habite les lieux et l’époque est réussie. Je me suis immédiatement senti plongé dans cette petite ville aride dans laquelle la sueur et le labeur des paysans transpirent de chaque page. La dureté de leurs tortionnaires se dégage également de chaque scène. Le travail sur les couleurs de l’auteur est sur ce plan-là un atout de poids. Les tons allant du jaune au marron habillent bon nombre de planches et subliment la chaleur et la rigueur du climat local. Le travail sur les décors et les costumes finalisent l’immersion dans cette communauté dont le destin de chacun de ses membres éveille notre curiosité.
Le scénario se construit autour du plan machiavélique mis en place par Gomez pour mettre la main sur la Californie. Sa politique de la terreur, ses menaces, le chantage mis en place, les manipulations… Tous les ingrédients sont étalés pour mener à bien son projet. En face de lui s’oppose un héros animé de vengeance personnelle luttant au nom de valeurs qui lui sont chères. Le combat est classique mais toujours attrayant. Il est intéressant de voir un homme seul affronter une structure installée et pourvue de nombreux membres et de riches ressources. Zorro reste longtemps dans l’ombre. Son existence est longtemps uniquement maintenue par les habitants. Gomez s’évertue par la violence à vouloir éteindre l’espoir. Cette thématique, à défaut d’être surprenante, reste efficace pour attiser la curiosité du lecteur.
Les ingrédients narratifs sont classiques. La recette l’est tout autant. Je dois bien avouer que la dégustation manque un petit peu de saveur et de piquant. Je trouve que la trame est diluée et manque ainsi d’intensité et de nervosité. Cela génère une lecture agréable mais qui ne m’a pas autant absorbée que je l’espérais. Néanmoins, ma faible implication émotionnelle dans le destin des protagonistes ne m’a pas empêché de passer un moment sympathique.
Au final, Don Vega est un album qui propose une lecture divertissante. Le fait d’être plongé dans un univers familier pour y vivre une aventure de justicier qui veut protéger les plus fragiles contre les méchants tortionnaires reste une garantie de plaisir. À défaut d’être mémorable, l’histoire est efficace et joliment mise en image. J’en conseille donc la lecture aux adeptes de Zorro. Ils devraient apprécier le voyage…