Un artefact qui rend amoureux, une horde d’adorateurs des dieux-démons du chaos, des documents de comptabilité et … des inspecteurs des impôts bien collants.
Avec L’hostellerie des impôts, Trondheim et Sfar ont choisi de mettre en vedette le personnage de Kadmiom et de placer cet individu d’habitude cantonné aux seconds rôles au cœur de l’intrigue de ce huitième Donjon Parade, aux côtés de Herbert et Marvin, les héros habituels de cette branche du Donjon. Voilà donc notre brave intendant du Donjon au centre d’une histoire bien farfelue où vont se mêler vol de bilans comptables, envoûtements et horde d’adorateurs des dieux-démons du chaos. Bref, du grand n’importe quoi à la sauce Donjon comme on aime ! Le fait de retrouver sur le devant de la scène ce personnage secondaire apporte ainsi un certain vent de fraîcheur à cet épisode, par ailleurs très drôle et bien pensé.
L’histoire est en effet bien saugrenue et déjantée, dans la plus pure tradition des Donjon Parade. Ici, il va être question de prélever des impôts au Donjon ; deux services de recouvrement se font concurrence et le Gardien essaie d’en tirer parti, prêt à tout qu’il est pour payer le moins d’impôts possible. Bourré de gags, de loufoqueries, de situations abracadabrantes, de bagarres ridicules, de magie débile (le coup du jeu de tarot de soins expérimental, c’est vraiment le genre de connerie typiquement « donjonesque » qui me fait rire !), de monstres aussi terrifiants qu’improbables (entre la gueule des membres de la secte démoniaque et celle du démon du chaos, on est servi !) et de bureaucrates procéduriers tout aussi terribles, L’hostellerie des impôts est un petit bijou d’humour burlesque qui fait largement honneur à la branche Donjon Parade.
Bien que les Donjon Parade ne soient pas censés impacter la trame de la série-mère, l’album fournit quand même deux ou trois informations supplémentaires sur le monde de Terra Amata qui enrichissent l’univers du Donjon. Outre quelques clins d’œil sympathiques à différents albums de la série (comme par exemple la présence de Pourvoyeurs Exécutaires, caste militaro-judiciaire que l’on retrouve dans plusieurs albums de la branche Donjon Zénith, ou le bocal caché dans le Donjon qui renferme le cœur d’Herbert depuis Cœur de canard (DZ1)), les fans seront contents de découvrir une nouvelle race de montures terrestres (les Limaces géantes), de voir apparaître pour la première fois dans la série une horde d’adorateurs de démons-dieux du chaos et bien sûr de découvrir un nouveau lieu d’envergure, avec cette fameuse Hostellerie des impôts, son architecture, sa structure défensive et son mode de fonctionnement.
Après le retrait de Larcenet de l’aventure Donjon Parade, Trondheim et Sfar ont fait le choix étrange de calquer cette sous-série sur le modèle Donjon Monsters, à savoir non pas confier la branche Donjon Parade à un dessinateur permanent, mais au contraire faire dessiner chaque nouveau tome de Donjon Parade par un dessinateur différent. Du coup, passer d’Alexis Nesme (Garderie pour petiots, DP6) à Erwann Surcouf, c’est un peu comme manger du tofu juste après un tournedos Rossini, tant le trait bien punk de Surcouf est aux antipodes du dessin flamboyant de Nesme. Le dessin tout pourrave de Surcouf est en effet limite foutage de gueule, tant il apparaît d’une simplicité désarmante. Néanmoins, il s’inscrit parfaitement dans la tradition graphique minimaliste de la série et constitue, à sa façon, une sacrée claque graphique. Au final, malgré ses défauts et ses imperfections, ce trait archi-basique ne m’a pas empêché d’apprécier à fond cet album, qui est d’une grande drôlerie.