Un congrès de nécromancie, un cocktail à base de Martini aux effets détonants et … une nécromancienne avec le feu occulte !
Nécromancien pour de faux : avec un titre pareil, il y avait fort à parier que le personnage d’Horous allait se trouver au centre du récit de ce neuvième Donjon Parade. En effet, à l’instar de Grogro (Technique Grogro, DP5) ou de Kadmium (L’hostellerie des impôts, DP8), Sfar et Trondheim ont décidé dans cet épisode de faire la part belle à un personnage secondaire du Donjon et de le placer au cœur de l’intrigue de cet album, aux côtés des habituels Herbert et Marvin, même si techniquement, les trois quarts du temps, c’est bien Herbert qui usurpe l’identité de notre brave thaumaturge. En effet, alors que se tient le 28ème congrès des nécromanciens, Horous, qui ne peut s’y rendre, demande à Herbert de le remplacer avec pour consigne de ne pas trop se faire remarquer. Bien évidemment, le canard maladroit ne peut s’empêcher d’accumuler les couillonnades et très vite la situation dérape. Entre duel magique, conférences bizarres et sexfriend un peu trop motivée, Herbert s’est mis dans de beaux draps …
Comme tout bon Donjon Parade, l’ambiance de l’album est à la rigolade et les personnages sont fidèles à leur réputation : Herbert joue au petit malin de service mais ne fait qu’enchaîner les gaffes plus grosses que lui, Marvin joue les gros bras et tente tant bien que mal de rattraper les bévues de son copain, Horous est toujours aussi hautain et orgueilleux, etc. Bien sûr, on devine rapidement que tout va partir en cacahouète mais l’idée d’amener Herbert à prendre la place d’Horous est à la base excellente, car plonger notre héros dans un univers qui n’est pas le sien est propice à tous les malentendus possibles, et c’est exactement ce que nous offre ce neuvième Donjon Parade. Le scénario de cet épisode se révèle franchement drôle et les passages humoristiques sont nombreux, que ce soit de voir confronté Herbert à son manque de connaissances occultes, aux rivaux d’Horous qui ne supportent pas sa popularité ou même à une belle amante qui profite de la situation pour attirer le faux magicien sous sa couette.
Au-delà d’une histoire bien troussée qui fonctionne parfaitement jusqu’au bout, entre purs moments comiques (et il y en a beaucoup), rebondissements improbables, magie foireuse (une nouvelle coupe de « Martini œil », ça vous dit ?) et personnages bien chouettes (la galerie de nécromanciens vaut le détour), on appréciera aussi la malice de Sfar et Trondheim qui parodient avec bonheur les fameux séminaires d’entreprise (ou certains Festivals Internationaux de la Bande-Dessinée ? 😉), où entre deux conférences ou réunions de team-building, les séminaristes se lâchent en se la collant au bar, quand il ne s’agit pas de mesquines histoires de coucheries et d’adultère en profitant de l’absence de leur conjoint … Bref, comme dans tout bon Donjon qui se respecte, le double niveau de lecture est particulièrement réjouissant.
Si le scénario de cet album se montre donc brillant et hilarant, c’est finalement au niveau du dessin qu’il y a moins d’originalité. En effet, Trondheim et Sfar entretiennent surement de chouettes rapports avec Delaf, le dessinateur de la série humoristique grand public Les Nombrils et récent repreneur de l’iconique Gaston pour les éditions Dupuis. Mais était-ce une raison suffisante pour lui proposer d’illustrer un Donjon ? Sans vouloir remettre en cause la qualité du dessin de Delaf, qui demeure très conventionnel et franchement plaisant, je trouve dommage que Donjon s’éloigne de dessinateurs underground peu connus du grand public, à la patte graphique marquée, souvent très originale, au profit d’artistes référencés dans les grandes maisons d’éditions et disposant souvent d’un trait plus classique, voire mainstream. Si le dessin de cet album est loin d’être déplaisant, avec une souplesse dans le trait très agréable qui apporte un caractère joyeux et humoristique bienvenu, où est passée la fameuse « claque graphique » initialement souhaitée par Sfar et Trondheim, censée frapper le lecteur ? Personnellement, ce que j’attends graphiquement d’un Donjon, c’est d’être surpris en découvrant de nouveaux styles graphiques. Inutile de préciser que ce n’est aucunement le cas ce coup-ci. Il serait dommage à mon sens que Donjon poursuive dans cette voie car cela lui ôterait toute originalité, et même toute personnalité et tout intérêt. Bref, le dessin de Delaf a beau être de qualité, je n’ai pas accroché.