Quand la magie part en fumée.

1er Maléfice:


« Le dessin »


Le graphisme de Dorohedoro se démarque de tout ce qui a pu se faire en manga. C'est ce que j'appelle du brouillon maîtrisé : plein de petits traits, certains contours repassés plusieurs fois... Je serais curieux de voir Hayashida à l'ouvrage : j'imagine une main frénétique, gribouillant sur le papier dans une euphorie créatrice.
Pourtant, de ce style qui peut sembler, au premier coup d’œil, un peu amateur sinon crade (on voit parfois des traces d'esquisses et de mise en page sous l'encrage dans les maléfices bonus), émane une véritable profondeur, ainsi qu'une spontanéité agréable ; autrement dit le style d' un artiste à part entière.


C'est en revanche une lame à double tranchant : si l'on feuillette un album sans connaître, on risque d'être rebuté. Mais si on décide d'aller faire un tour à Hole, on est vite immergé dans cette ambiance crasseuse et organique, plus réaliste qu'il n'y paraît.


Beaucoup d'énergie se dégage des scènes d'action. Le panel d'expression des personnages est basique et ne s'éloigne pas des codes, mais demeure efficace.


2ème Maléfice :


« Le scénario d'un univers... »


À l'image du trait, l'histoire semble lancée en roue libre, totale impro. Une fois de plus, c'est le sentiment délicieux de spontanéité qui en résulte.
Pas de rebondissements intempestifs, ni cliffhangers ni suspens. La trame se déroule tranquillement ; mais mine de rien, je me suis vite laissé prendre au jeu.


L'univers instauré, deux mondes parallèles qui se côtoient, est riche et cohérent. Ultra-violent, tordu, sombre et axé sur une religion sataniste -un peu dans une optique de monde à l'envers- fondée sur un enfer existant vraiment où règnent les diables ; Hayashida nous plonge dans les retors de ses fantaisies, sans lésiner sur l’hémoglobine, des poitrines ÉNORMES et beaucoup, beaucoup, beaucoup de gyozas.


L'absence quasiment totale de romance entre les personnages (pourtant nombreux) surprend beaucoup. Que dis-je, tout surprend dans Dorohedoro. Tout. L'on ne peut s'attendre qu'à l'inattendu.


3ème Maléfice :


« Personnages ! »


Un gros costaud à tronche de reptile gourmand qui ne pense qu'à manger des gyozas, au cœur tendre et en quête d'identité, une mage puissante qui s'ignore, un duo de mages faits l'un pour l'autre, l'un destructeur, l'autre guérisseuse, un chef fou qui transforme tout en champignons, un loser qui fait bouffon d'office, un docteur à l'optimisme inégalable, et tant, tant d'autres.


Kikurage !!!


Ils ont tous un charisme fou, une personnalité bien développée. Au fil des albums, on apprend leur passé bien fourni, sans déroger au fil conducteur qui les unis.


4ème Maléfice :


«Blood Bath»


La violence exagérée, pas esthétisée. Un delirium en vacarme, où l'on sent que l'auteur se défoule et se fait plaisir, permettant au lecteur de se faire plaisir et se défouler avec lui.


Oubliez la morale, ne cherchez pas de sens à tout ça, et laissez ce capharnaüm graphico-ludique vous emmener en voyage. Évadez-vous dans ce monde où tout le monde en prend plein la tronche, où ça tatanne à sec, où la magie rend tout possible sans évacuer la notion de danger (un exploit en soi).


5ème Maléfice :


« Humour en pagaille »


De toute cette barbarie, de cette troupe de joyeux drilles, du dessin fatraque et de ce ficellement d'intrigues folles, émane un humour constant, car ce manga ne se prend jamais au sérieux, et chaque personnage a son côté ridicule.


Ce qui m'éclate le plus, c'est la gentillesse de la plupart d'entre eux. Ils ont beau passer une bonne partie de leur temps à se battre -voire s’entretuer- la bonne humeur prévaut, bon enfant. Et ça, c'est top ! Et communicatif : c'est avec le sourire que je termine chaque chapitre.
Sans pour autant priver la narration de ses tournants dramatiques.


6ème Maléfice :


« What about it ? »


L'évasion, le défouloir, et pas mal de baston. Que demande le peuple ? Dorohedoro, c'est récréatif : c'est ma pause entre deux œuvres, mon moment de lecture privilégié, mon tunnel échappatoire ; j'oublie la réalité, j'oublie mes problèmes et je me plonge dans un monde parallèle où règne la folie, l'amour des gyozas et les gros seins. Mais aussi le rire et la dérision.


Une lecture qui offre une véritable distraction, un bon moment de bande dessinée, sincère et prenant. Telle une plâtrée de gyozas ; même quand j'en ai bouffé plus que de raison, j'en redemande encore.


Nous, les amoureux de ce joyeux bordel, nous rendons à l'évidence : sans trop savoir pourquoi, nous avons envie d'y croire. Le propre de tout univers réussi, non ?


Maléfice Bonus (approuvé par l'homme gyoza)


Dans Dorohedoro
Omettez les héros,
Remplissez-vous gras les tripes
Ornez donc l'enfer de magique
Harmonisez l'image,
Enchaînez milles pages,
Dantesque jeu de lame !
Obnubilant vacarme.
Réclamez aux démons l'
Omelette aux champignons.


Ce que nous avons appris dans cette critique :
-Lire Dorohedoro donne envie de manger des gyozas (miam) !
-Les poitrines sont exagérées.
-Les champignons, c'est magique.
-Quand ça bastonne dans ce manga, ça fait mal.
-C'est drôle. On rigole bien !!!
-On a envie d'y croire.
-Vous voilà définitivement ensorcelés par l'un des mondes imaginaires les plus originaux, amusants et grisants qui soient. Le pacte est scellé.


Qu'apprendrons-nous dans la prochaine critique ?


Tout cela est encore... dans le plus grand chaos.


C'est ça, Dorohedoro !

Veather
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le 11 avr. 2015

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Veather

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