Ce 2e épisode est bien entendu dans la même veine que le précédent, pas uniquement parce que le récit est dans la continuité, mais également par le style et le parti-pris ultra violent que Serpieri veut maintenir.
Le mariage gore-érotisme est peut-être encore plus assumé cette fois. L'auteur convoque l'imagerie traditionnelle sadomasochiste, toujours plus dans l'excès, bien que le dessin ne se perde pas dans la pornographie pure et dure. Les stouquettes sont de sortie, mais pas encore en action comme ce sera le cas à partir du cinquième épisode. On sent tout de même une progression vers l'explicite. Mais là n'est pas le cœur ni de ce 2e opus, ni de la saga elle même. Ce n’est qu’une question de forme.
Sur le fond, la série s'intéresse à plein de questions existentielles, touchant aux fantasmes, rêves ou cauchemars, à la réalité et aux hiatus entre ces états, au progrès ou à la déchéance, à la mort bien entendu, à la relation hiérarchique, aux questions de pouvoir, de violence entre les individus.
La grande nouveauté de cette aventure est peut-être l'adjonction d’une pincée d'humour, à l'image des œuvres plus folles de Moebius/Jodo par exemple. Oui, le parallèle est osé, j’en conviens, mais je ne peux m'empêcher d’y songer. Le personnage du petit homme me fait penser que voulant “descendre” encore plus bas dans l'enfer, Serpieri a voulu apporter une touche de légèreté et en quelque sorte d'humanité pour que la lecture trouve quelques instants de repos. Effectivement, outre la recherche quasi mystique et la vérité (cette quête initiatique en soi une respiration dans un monde de brutes), les apartés rigolotes qu'amène ce gnome donnent un peu d’air dans une lecture vite suffocante. La tâche de Serpieri est compliquée dès lors qu’il a décidé de s'enfoncer encore davantage dans la fange.
D’autre part, comme dans le premier épisode, il use d’un trait sûr qui s'avère même gourmand quand il dessine Druuna. Opulente, rayonnante, charnelle, elle reste d’une beauté ahurissante face à la plèbe de dégénérés ou aux folies mécaniques d’un monde en chute libre. Le dessin de Serpieri est toujours aussi fin, subtil et tellement beau, que ce soit pour détailler le corps sensuel ou pour incarner la protubérance malsaine, le sadisme, la monstruosité. Je suis toujours aussi ébahi par cette capacité à réussir aussi bien l'un que l'autre, surtout à en produire une sorte de mariage réussi, beau, complexe, perturbant certes, mais oui, beau. “Beau” est le terme qui me vient à l'esprit à l'évocation de cette série, alors qu'on est fondamentalement dans le laid, on y baigne jusqu'au cou. Étrange et fascinant.
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