Ed Gein est sans doute le plus célèbre des serial killers ayant sévi aux Etats-Unis : ses « exploits » ont été immortalisés au cinéma par Alfred Hitchcock (Psychose), Tobe Hooper (Massacre à la tronçonneuse) et Jonathan Demme (le Silence des Agneaux), chaque film se focalisant sur un aspect différent de la saga de ce tueur de femmes, par ailleurs violeur de sépultures et de cadavres déterrés, et taxidermiste accompli. Ce n’est pas le moindre intérêt de Ed Gein – Autopsie d’un tueur en série, le livre de Harold Schechter et Eric Powell (dessinateur de comic books chez Marvel et DC Comics, mais surtout auteur du célébré The Goon), que de revenir à la vérité des faits historiques, largement ignorés au cinéma : et ce que nous découvrons ici apparente beaucoup plus Ed Gein à Lary Hall, le violeur et tueur dont parlait récemment la série TV Black Bird. Comme dans le cas de Hall, on découvre que Gein n’a jamais réellement avoué les seuls deux crimes qui lui ont été attribués officiellement, qu’il est revenu sur certaines de ses confessions, et qu’il a constamment manipulé les psychologues et les policiers qui l’interrogeaient.

La partie la plus remarquable, inoubliable presque, de ce « biopic » BD est sans aucun doute toute la première, qui raconte l’histoire d’Augusta, la mère d’Ed, et de la manière dont elle a dominé sa famille – mari et fils – d’une poigne de fer, et a élevé ses enfants dans une bigoterie hystérique et une haine violente de la sexualité, et des femmes en général. Il n’est guère besoin d’être féru en psychanalyse pour comprendre les déviances que son comportement ont créé dans l’esprit faible du plus jeune de ses deux fils, qui l’ont ensuite, à la disparition d’Augusta, amené à se déchaîner sexuellement sur des femmes lui rappelant sa mère : c’est évidemment cet aspect de l’histoire d’Ed qu’Hitchcock a mis en scène dans Psychose, en l’édulcorant par rapport à l’horreur des faits réels. Inversement, il est assez regrettable à notre avis que Schechter et Powell rejettent partiellement cette explication freudienne (trop évidente pour eux ?), et privilégient à travers la voix d’une universitaire (l’un des rares personnages fictionnels du livre) une histoire pas très convaincante liant le comportement de Gein aux rites religieux ancestraux de certaines civilisations, comme les civilisations précolombiennes : cette théorie donne un aspect un peu farfelu à un livre qui, pour le reste, est avant tout glaçant de vérité.

Par rapport à cette première partie narrant les tourments infligés par Augusta à ses enfants, réellement éprouvante, la seconde, qui raconte la découverte par la police des forfaits de Gein, et l’enquête et le procès qui s’ensuivront, est finalement moins accrocheuse, peut-être parce qu’elle est tout simplement plus… connue de tous, avec tous ces fameux détails horrifiques (les organes conservés dans des bocaux, les vêtements en peau de femme, etc.) qui sont passés à la postérité.

Le travail graphique de Powell est remarquable, en particulier au niveau des visages des protagonistes et de leurs expressions, et l’atmosphère qui se dégage de nombre de pages – tout l’album est en noir et blanc – est terriblement oppressante, et sert parfaitement le propos du livre.

Malgré nos quelques réserves, un livre incontournable pour quiconque est intéressé par la face la plus sombre des Etats-Unis, et en particulier par les conséquences désastreuses de la foi dans une société culturellement primitive.

[Critique écrite en 2022]

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EricDebarnot
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le 28 sept. 2022

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