Manolo Carot et Rubén Del Rincon font la paire de gants de boxe dans un face-à-face uppercut à la pu
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le 30 mai 2018
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À lire avec des illustrations et bonus sur : http://branchesculture.com/2018/05/28/el-boxeador-combat-de-boxe-adversaire-objet-bd-roman-graphique-ingenieux-redoutable-ambitieux-manolo-carot-ruben-del-rincon-sport-thriller-action/
Dans le cinéma ou la littérature, quand la parution dans notre langue exige le temps de la traduction ou du doublage, il arrive que le succès et l'aura d'un best-seller précèdent de quelques mois la publication. À l'ère du buzz, c'est d'autant plus vrai mais c'était déjà le cas avec les Harry Potter et pas mal de saga attendues "all around the world". C'est aussi le cas avec des one-shot qui réussissent à tirer leur épingle du jeu.
En BD, sauf quelques exceptions, c'est, de mon avis, beaucoup moins le cas, et de toute façon souvent concentré autour des hits américains. Ce qui nous offre une virginité confortable au moment de découvrir un ouvrage, paru parfois des années auparavant mais néanmoins inconnu au bataillon. Étant tombé sous le charme des précédents albums de Rubén Del Rincon (et apparemment je ne suis pas le seul puisque les Éditions du Long Bec l'ont pris sous leurs ailes de cigogne), j'avais vu des bribes de son Boxeador, mené en front (perlé de sueur et de sang) commun, sur le ring, avec Manolo Carot (plus connu sous le nom de Man). Et force est de constater, au moment de tenir dans nos mains ce superbe objet (visez la couverture !), que les deux auteurs ont engagé toutes leurs ressources et leur talent pour gagner leurs rounds, leur part du combat.
Résumé de l'éditeur : Deux boxeurs que tout oppose vont s’affronter dans un combat qui changera leurs vies pour toujours. Dans un coin du ring, Rafa, originaire des bas quartiers et amateur de plaisirs nocturnes. Dans l’autre coin, Hector, un jeune homme venant d’un milieu social aisé, mais en conflit permanent avec son père.
"Boxeador, tes poings peuvent être en or ou en argent... ou en guimauve". Un ring, ça n'a l'air de rien mais quand la foule exulte et vous exhorte de jouer votre vie et un peu de votre mort, ça n'a rien d'une position confortable. Car oui, on peut tout perdre sur un ring, entre les coups de cloche et les assauts de l'adversaire, bien plus que ce qu'il y a à gagner. Pourtant, c'est corps et âmes que Rafa et Hector se lancent dans l'arène comme si c'était le dernier jour du reste de leur vie. Rafa et Hector, deux destins ô combien différents pour deux athlètes dans leur genre qui n'auront d'autre choix que de terrasser l'un... ou l'autre.
Comme vous, finalement, dans un premier temps. Car, suivant que vous ouvrirez ce fameux album dans un sens ou dans l'autre, vous ne pourrez que vous mettre du côté de l'un de ces deux pugilistes. Les auteurs ont choisi leur camp. Pour Manolo, c'est Hector; pour Rubén Del Rincon, c'est Rafa. On ne sait trop comment chacun a choisi les cordes dans lesquelles il atterrirait et qu'il s'emploierait à faire vibrer, mais cela participe au mystère de cette oeuvre forcément coup-de-poing, dans laquelle les corps se rapprochent, s'accrochent et s'écorchent pour mieux faire un cadavre exquis entremêlé.
Mais si vous êtes obligé de prendre parti, dans ces décors rouge sang qui ne varient pas d'un bord à l'autre du livre (j'allais dire du film, lapsus révélateur !), que ce soit pour cette teigne qui sait très bien qu'il n'aura pas de coup de pouce du destin ou ce fils à papa en rupture dont la vie se révèle bien moins lisse que son image le laisse paraître, les deux auteurs sont habiles, chacun à leur tour, de renverser la vapeur.
C'est étonnant d'avoir réussi à faire cohabiter ces deux actes en un seul album tant ils s'entrechoquent pour mieux s'imbriquer parfaitement et réunir ces deux facettes, ces deux angles de vue, dans une double-page centrale absolument déboussolante, magistrale, pour remettre bien des choses à leur place et rendre à César, Hector et Rafa ce qui leur revient.
El Boxeador, avec son format à l'italienne sexy (mais redoutablement hispanique) comme appât, fait du caméra-à-l'épaule, du full-contact pour casser la distance et nous en mettre plein la vue en nous entraînant au coeur de la fournaise et de l'enfer, dans la profonde noirceur des personnages, dans la lumière qu'ils cherchent pourtant à dégager. Comme le combat qui oppose ces deux indéboulonnables meilleurs ennemis - mais que serait-il l'un sans et (sous les coups de) l'autre ? -, les deux auteurs se répondent, kick après kick, crochet après crochet, sans bis repetita mais aussi fratricides que capables de trouver l'osmose, une certaine fraternité dans la douleur. Car l'un n'existe pas sans l'autre. L'auguste et le clown blanc ne lâcheront pas les gants de boxe.
C'est dingue, malgré toute la précision et les règles que l'exercice impose, Manolo Carot (et son trait manga et plus sérigraphié, volatile dans les couleurs, esthétisé) comme Rubén Del Rincon (qui démontre que le découpage est tout un art, au plus près des héros et de leur sueur, brut de décoffrage) réussissent leur oeuvre la plus personnelle. Magistral uppercut que cette fresque tragique qui fait de l'ombre à la maestria de bien des films de boxe pourtant formidables. Ça tape à l'oeil, au coeur encore plus.
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Créée
le 30 mai 2018
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