Elektra Assassin fait partie de la période faste et furieuse de Miller qui va de Ronin en 83 aux balbutiements de Sin City en 93, en passant par The Dark Knight Returns et Daredevil Born again. Une période folle pendant laquelle Miller, habité par le génie, devait avoir des allures de grand messie.
Elektra Assassin illustre bien son état: déstructuré, mystique voire mythologique, érotique, politique, totalement barré mais aussi très inspiré, ce n'est vraiment pas une lecture facile ou pop-corn.
Il faut se faire violence pour comprendre qu'Elektra n'est qu'un pion parmi d'autres, qu'un faire-valoir à l'opposé de la représentation commune des "super humains". Il faut se faire violence pour attraper la ligne folle qui traverse le récit, et une fois saisie, il me semble nécessaire de le savourer chapitre par chapitre, par petites doses (les cases finales des 8 chapitres sont toutes ébouriffantes) cette décharge d'inventivité pure.
Tout cela ne serait rien sans son complice au dessin Bill Sienkiewicz, presque plus dément que Miller. Il abat un travail stupéfiant, expérimente dans le découpage, dans les couleurs, dans les lignes en jouant sur l'épaisseur du trait, le mélange de techniques de colorisations, les effets de transparence...Bref c'est phénoménal, presque un mètre étalon dans sa capacité à dépasser le medium BD tout en en gardant la quintessence, pour pondre un langage visuel unique.
Comme vous vous en doutez c'est donc une oeuvre phare, peut-être même poussons le bouchon encore plus loin, un chef-d'oeuvre. A condition de parvenir à saisir le fil de la lame.